Décidé à se débarrasser du patron du FLN, Abdelaziz Belkhadem, Boudjemaâ Haïchour a lancé une pétition, la semaine dernière, pour collecter le nombre de signatures nécessaire à l'organisation d'une session extraordinaire du comité central du parti, avant les législatives. - Considérez-vous le rassemblement que vous avez organisé devant le siège du parti comme un succès ? Il est évident que ce qui se passe au FLN dans ce contexte précis a une importance politique, et en tant qu'acte politique, le rassemblement des très nombreux membres du comité central venus contester la politique du secrétaire général du parti est un succès. C'est un acte politique fort qui situe d'emblée la position que nous devrions suivre pour la compétition des législatives du 10 mai. - Vos adversaires au sein du parti affirment que vous n'avez pas obtenu le nombre de signatures nécessaires à la destitution de Belkhadem… J'ai effectivement lu certaines déclarations affirmant que nous n'avions pas atteint le quorum attendu par l'article statutaire pour convoquer une session extraordinaire du comité central du parti comme mentionné dans l'article 37. Nous avons engagé une action politique pour sensibiliser les membres du comité central sur la nécessité de changements au sein du parti et je peux vous assurer qu'une dynamique très forte est aujourd'hui enclenchée et qu'elle me paraît irréversible. Pour ce qui est de l'aspect arithmétique de la démarche, nous avons, avec les promesses, dépassé les deux tiers des signatures nécessaires pour déclencher la procédure. Nous avons fixé au 14 avril, date butoir, la nécessité de transformer les promesses de certains membres du comité central en signatures effectives. - Et si vous ne parvenez pas, à cette date butoir, à atteindre le quorum… Nous menons actuellement, avec la participation de très nombreux militants, une course contre la montre vis-à-vis de tous ceux qui ont approuvé notre démarche et qui nous ont assuré de leur soutien, pour qu'ils signent rapidement notre texte. C'est pour cela que si nous n'arrivons pas à sceller une liste de signatures, je dirai que nous avons réussi un acte politique, mais échoué à le transformer en acte statutaire, organique. - Quel va être le rôle du mouvement que vous avez lancé durant les législatives du 10 mai ? Je vous rappelle que nous ne sommes pas le seul mouvement de protestation contre Belkhadem. Il y a déjà un mouvement que conduit M. Goudjil et qui, lui aussi, conteste la manière dont le FLN est géré. En ce qui nous concerne et si nous n'obtenons pas le quorum de signatures nécessaires, nous laisserons le SG et son équipe mener leurs œuvres de déstabilisation, de désaffection et d'atteinte à l'image du FLN durant la campagne. Belkhadem a soutenu qu'avec les listes qu'il a concoctées, il remportera les législatives et qu'en cas contraire, il démissionnera de son poste en compagnie de son bureau politique. En réalité, le patron du parti est obnubilé par la présidentielle de 2014. Il n'y a que cette élection qui l'intéresse. D'ailleurs, sa visite en France pour participer au colloque organisé par El Khabar et Marianne entre dans cette stratégie. Il est parti faire allégeance aux dirigeants français. J'affirme aussi que le parti est entre les mains de trois hommes : Rachid Harraoubia (ministre de l'Enseignement supérieur), Amar Tou (ministre des Transports) et Tayeb Louh (ministre de l'Emploi et de la Sécurité sociale). C'est d'ailleurs Rachid Harraoubia, membre du bureau politique, en charge des élus au sein du parti, qui a menacé les députés de les exclure des listes s'ils n'abrogeaient pas l'article de loi qui stipule que les ministres devaient démissionner de leur poste trois mois avant les législatives. Je peux même vous affirmer que les listes finales ont été confectionnées dans l'antichambre des bureaux du ministère de l'Enseignement supérieur. C'est pour cela que j'accuse Belkhadem d'avoir cautionné l'élimination de toutes les compétences et d'avoir favorisé l'arrivée de personnes qui ont eu recours à l'argent sale pour être candidat. Dans certaines wilayas, des gens ont donné deux à trois milliards pour être classés dans les listes. Ce sont toutes ces graves dérives qui expliquent les réactions de contestation de la part de la base militante du parti. - Abdelaziz Belkhadem a affirmé que certaines candidatures lui ont été imposées… Il me l'a affirmé dans son bureau lors d'une rencontre au cours de laquelle j'étais venu contester l'éventualité de voir Rachid Harraoubia désigné tête de liste à Alger. Il m'a avoué que Harraoubia et Louh lui ont été imposés par le frère du Président. - Le président Bouteflika est-il responsable de la crise que traverse actuellement le FLN ? Non pas du tout. La crise actuelle est due essentiellement au comportement de certaines personnes qui se prévalent du soutien du frère du Président. - Les griefs que vous avez contre Belkhadem rejoignent ceux développés par le mouvement de redressement et de l'authenticité. Pourquoi n'avoir pas rejoint ce mouvement ? J'en ai déjà parlé avec Si Salah (Goudjil, ndlr). Je lui ai dit qu'il aurait dû lancer son mouvement de contestation lors de la tenue du congrès et nous l'aurions tous suivi, à l'époque. Malheureusement, cela ne s'est pas fait. En fait, le mouvement de contestation est apparu lors de la désignation des membres du bureau politique. C'est à ce moment-là qu'on s'est rendus compte de la supercherie et que la contestation au sein du parti s'est organisée. Certains camarades ont décidé de lancer un mouvement de contestation à l'extérieur du parti. Pour ma part, j'ai estimé que cela n'était pas une démarche judicieuse, car le parti n'appartient pas à Belkhadem, et que nous devions porter la contestation au sein même du parti. - Un rapprochement avec le mouvement de redressement et d'authenticité est-il possible ? Mais il se fait déjà. Dans la liste des signataires, beaucoup de ceux qui adhèrent au mouvement que vous citez nous ont rejoints et étaient présents lors de notre rassemblement devant le siège du parti. Il ne manquait à l'appel que Si Salah qui, de façon surprenante, a décidé d'une trêve dans la bataille qu'il mène contre Belkhadem. - Comment interprétez-vous cette décision ? Je ne l'interprète pas, je la constate. Il a peut-être une autre façon de voir les choses… - Votre démarche gêne-t-elle celle entreprise par le mouvement des redresseurs ? Peut-être. Il y a même des personnes qui ne sont pas signataires de la pétition, mais déjà candidates à la succession du secrétaire général. La presse avance les noms de quatre personnes (Abdelkrim Abada, Abdelkader Hadjar, Amar Tou et Amar Saïdani, ndlr) prêtes à sauter sur l'occasion pour prendre la tête du parti. Je dis à ces gens qu'il leur faudra signer la pétition avant de prétendre espérer succéder à Belkhadem. - Pour les élections du 10 mai, appellez-vous à voter pour les listes FLN ? J'appelle les Algériens à aller voter en masse. Le choix des électeurs se fera en leur âme et conscience. Il ne me revient pas le droit de demander aux électeurs de voter pour le parti. Chacun fait comme bon lui semble. - La victoire du FLN, comme annoncée par Belkhadem, est-elle, d'après vous, plausible ? C'est utopique. Belkhadem vend du rêve aux militants. - Etes-vous candidat à la succession de Belkhadem ? Oui, mais il faut d'abord que j'obtienne la confiance de mes pairs. Qu'ils jugent que je suis capable de diriger le parti. Dans ces conditions, j'assumerai cette responsabilité.