Nna Aldja a cessé d'égayer Urar Lxalat depuis deux ans. Et pour cause, elle ne jouit plus de ses facultés mentales et physiques. L'association Amaynouth a organisé la semaine dernière, en collaboration avec les sages de Tazaghart, une fête familiale en hommage à Nna Aldja, doyenne du chant traditionnel avec bendir, à l'école primaire de ce village de la commune d'Ighram. Une cérémonie d'ouverture animée par une troupe d'Idebalen N'Ath Abbas, un déjeuner traditionnel et une exposition des sculptures d'Azrou Hamza, des dessins de Allaoua Ait Sellamet et des peintures de Hamimi Ait Sellamet étaient au programme. Née en 1922, Mme Tamaguelt née Nait Oumeziane Aldja a consacré toute sa vie au chant traditionnel avec bendir. «Elle a animé sa première fête en 1937. Après l'indépendance, sa notoriété faisait déjà le tour de la haute vallée de la Soummam», affirme Ryad Hadri, animateur-chanteur et membre de la commission d'organisation de cette manifestation culturelle. Nna Aldja a cessé d'égayer Urar Lxalat depuis deux ans. Et pour cause, elle ne jouit plus de ses facultés mentales et physiques. Alitée, elle n'entend plus, ne voit plus et ne parle plus. Sa voix enchanteresse et son bendir résonnant se sont tus. A son chevet, des membres de sa famille nous accueillent pour témoigner de la carrière artistique d'une femme pour laquelle tous les habitants de Tazaghart vouent reconnaissance. «Mariée à un homme handicapé, Nna Aldja était obligée de travailler pour élever ses enfants», nous fait remarquer sa sœur Nouna.La cantatrice n'était pas rémunérée mais aidée, apprend-on. Pour son proche parent Merzouk, «une fête sans ma tante est toujours insipide. Il fallait d'ailleurs l'inviter des mois à l'avance pour avoir la chance de bénéficier de son talent d'animatrice».Sa fille Zahra ajoutera que «jouer du bendir était, certes, mal vu à ses débuts mais ces derniers temps tout le monde la préférait au DJ». Deux invités de marque, Kaci Boussaâd et Louiza, ont tenu à être de la fête. «Urar lxalat est l'une des sources intarissables dont puise la chanson Kabyle. N'eut été le deuil décrété dans notre pays, j'aurais volontiers interprété quelques unes de mes chansons», nous dit la chanteuse kabyle Louiza. L'ex-membre du groupe Idurar se souvient, pour sa part, du passage de Nna Aldja dans son village natal et ne pouvait que lui vouer respect en répondant présent. La vieille femme a arrêté d'animer les fêtes mais la relève est apparemment prête à reprendre le flambeau. Un trio de jeunes filles, ses nièces, chantaient en chœur l'Achewik et les Issefra de leur grand-mère au micro d'un journaliste de la Radio Soummam.