L'organisation du Aarch Ath Yedjar dans l'émigration a vu le jour au milieu des années 1960, d'abord à Marseille où s'était installée une importante communauté de Bouzeguène, puis à Paris. Cette organisation de type traditionnelle puisée du fonctionnement de tajmaat en Kabylie, s'imposait comme l'unique voie pour se prendre en charge surtout dans les moments de douleur. En effet, les premiers émigrés de Bouzeguène (60 km à l'est de Tizi Ouzou), ont rejoint les grandes métropoles de France, avec comme objectifs de travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles, toutes regroupées autour des grands parents. C'est ainsi qu'ils contribueront à l'amélioration de leur niveau de vie et à assurer par-delà une retraite qui leur permettra de finir tranquillement leurs jours dans leurs villages. Si la réussite (ou l'échec) de chaque émigré dans le travail est une œuvre individuelle où chacun s'attelle le mieux possible à faire honneur à sa famille et ses proches, on a malheureusement oublié, au tout début de la migration, que la mort passe par là. Mourir tout seul en exil, c'est terrible et cela n'a pas été prévu par les villageois dans leur exode forcé au-delà de la méditerranée ; et quand cette mort frappe, c'est une véritable épreuve pour les proches du défunt. Des procédures qui s'apparentent à un véritable parcours du combattant. Les émigrés ont alors pris conscience de la nécessité de s'organiser. Aujourd'hui, les villages se sont constitués en associations avant de se rassembler dans une sorte de fédération de comités de villages connue sous l'appellation de Aarch Ath Yedjar, renfermant 15 villages. Ces derniers sont répartis en deux groupes. Il s'agit pour Bouzeguène de Ath Yighil, Ath Ikène, Ibekarene, Ath Saïd, Ibouyesfene, Tazrouts, Ikoussa et Ihitoussène et, pour Idjer, de Ath Aïcha, Ighraine, Iguersafene, Tifrit, Bouaouane, Ighil Boukiassa et Mehagga. Un autre Aarch regroupe tout le reste des villages de la commune de Bouzeguène. Les communes d'Ath Zikki et d'Illoula disposent elles aussi d'organisations identiques autonomes. L'Aarch Ath Yedjar, qui s'est réuni dernièrement pour mettre à jour les comptes, a pour mission exclusive le rapatriement des corps de ceux qui auraient émis le vœu d'être enterrés dans leurs villages.Les associations villageoises disposent toutefois de leur autonomie pour mener d'autres actions en faveur de leurs villages respectifs. Ces structures ont pour mission d'identifier les besoins de développement de leurs villages; planifier les actions à mener, mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre des actions. Face à l'insuffisance de subventions de l'état, des associations de Kabyles en France œuvrent d'ailleurs pour enregistrer toutes les insuffisances dans les villages, entre autres eau, routes, centre culturel, médicaments, forage de puits et même ambulance. De la mère patrie au pays de l'immigration, c'est un dialogue bien émouvant tout au long de l'année. Entre le village d'origine et la communauté émigrée, il n'y a point de coupure.