A Oran et à Tlemcen, les jeunes s'intéressent de plus en plus à l'art et à la musique andalous. Tlemcen De notre envoyé spécial Laïla Benmrah, Azzeddine Bouabdellah, Abbas Kaïd Slimane et Korso Fessiane Ghouti sont des chanteurs andalous orginaires d'Oran et de Tlemcen, qui ne bénéficient pas encore de la lumière de la grande scène. Ce n'est pas de leur faute. Les plateaux artistiques ne sont pas souvent montés selon les normes du métier et du talent. Les émissions télévisées et radiophoniques ne donnent pas un égal accès à tous les artistes, surtout les moins connus. En la matière, «le service public» est nul. Mardi dernier, la maison de la culture Abdelkader Alloula de Tlemcen a abrité une soirée andalouse à la faveur des festivités de clôture de «Tlemcen, capitale de la culture islamique», en présence des quatre chanteurs accompagnés de l'orchestre de Lotfi Bouyacoub. Laïla Benmrah, qui a appris le chant andalou avec son frère, Fouad Benmrah, à l'association Al Mansourah d'Oran, a interprété des inquilabat dans les modes djarka et aârak comme Ayouha al goumri et A bouya kirani avec un istikhbar, Yak koultoum ili yesbar. «A Oran, il n'y a pas que le raï, il y a aussi de la musique andalouse. Le public s'intéresse à ce genre musical. Pour les mariages, on demande aujourd'hui des orchestres andalous. Cela n'existait pas auparavant. Certaines familles n'acceptent pas le raï», a expliqué Laïla Benmrah. Selon elle, il existe six associations andalouses au niveau de la capitale de l'ouest du pays qui en assurent l'enseignement aux jeunes. «Nous avons aujourd'hui de belles voix féminines dans toutes les écoles de l'andalou. Et la relève est assurée. Je suis pour la rénovation de cette musique, mais sans dénaturer les textes chantés. Il ne faut pas toucher à l'authenticité des paroles et des compositions», a ajouté Laïla Benmrah. Elle travaille actuellement sur la sortie d'un album qui sera son premier opus. Alayem lach tloum d'Ahmed Bentriki a été choisi comme qcid de départ pour Abbas Kaïd Slimane pour son court tour de chant. Il a enchaîné avec un double mkhilas, Maou faouchi telbi et Nar el bine gdat. Parlant de Mohamed El Ghaffour, Abbas Kaïd Slimane, ancien élève de l'association Gharnata du temps de Mustapha Bouhcina et l'association Slam à l'époque d'Ahmed Baghdadi, a estimé qu'il n'existe pas de différence de style andalou entre Tlemcen et Nedroma. «Dans les années 1980, j'avais constitué un groupe de musique moderne qui jouait du hawzi moderne avec batterie et orgue. Nous avions des supporters, mais cette initiative avait été critiquée par les puristes. Seulement, mon but était — et il est toujours — de sauvegarder notre patrimoine artistique, celui de nos ancêtres», a confié Abbas Kaïd Slimane. Azzeddine Bouabdellah a, pour sa part, repris en mode aârak Oulfi Mériem, version chantée par Mohamed El Ghaffour. Il a ensuite continué avec un andalou-flamenco, manière d'accélérer le rythme (d'autres l'ont fait dans un mixage avec le style moghrabi). «Le flamenco et l'andalou sont nés sur la même terre. Il y a un lien entre les deux, notamment dans le style gharnati», nous a exliqué Azzeddine Bouabdellah, dont le premier album sur le marché depuis presque dix ans est un cocktail de hawzi, assimi, moghrabi et madih. Pour le prochain Ramadhan, l'artiste envisage de produire un autre album avec du madh dans le style sanâa. «J'avoue que cette manifestation de ‘‘Tlemcen, capitale de la culture islamique'' nous a permis de faire la connaissance de beaucoup de personnes intéressantes et des artistes. Tlemcen a acquis des infrastructures culturelles importantes», a déclaré Azzeddine Bouabdellah. Dernier à passer sur scène, Korso Fessiane Ghouti a choisi de chanter un inquilab moual, un aâroubi de Sidi El Djilali et un madh El fiyachia. Membre de l'association Gharnata depuis le début des années 1980, l'artiste assure actuellement des cours de musique pour les jeunes. «Nous voulons transmettre ce que nous nos ancêtres ont légué. Nous voulons que ce patrimoine soit appris par la nouvelle génération avec toute sa profondeur. Nous avons constaté que les jeunes s'intéressent de plus en plus à la musique andalouse. Il y a un certain éveil», a relevé Korso Fessiane Ghouti. Selon lui, la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique» a donné un nouveau souffle à l'art andalou dans la région. «Dans les années 1990, toutes les associations andalouses avaient cessé d'activer à Tlemcen. Cela avait menacé sérieusement l'existence même de la musique andalouse», a-t-il souligné. Korso Fessiane Ghouti, qui dit être passionné par l'art andalou et le soufisme, prépare la sortie d'un album de Samaâ Soufi avec des textes tels que Tamalktoum akli, Mata ya kiramou al hay et Ya saki layssa ala el mouhibi jounahou. A noter enfin que les journalistes ont décidé, mardi soir, de boycotter la couverture du concert de l'Orchestre maghrébin de musique andalouse prévu au Palais de la culture Abdelkrim Dali-Imama de Tlemcen. Les journalistes ont été empêchés, d'une manière peu respectueuse à leur profession, d'accéder aux coulisses pour réaliser des entretiens. Les tentatives de faire parler Rachid Guerbas, chef de l'orchestre maghrébin, ont échoué. Rachid Guerbas est connu pour ne pas avoir de bons rapports avec les représentants de la presse. Mauvaise habitude.