Classée patrimoine mondial en décembre 1992 par l'Unesco, La Casbah d'Alger est réellement menacée. Des agressions, elle en subit quotidiennement. Citons en exemple des constructions de type moderne de deux étages, qui se dressent au milieu des douirate ou encore des transformations inappropriées effectuées par certains occupants. Mais ce qui est inadmissible, c'est bien l'absence d'une volonté réelle de la part des pouvoirs publics de lancer une véritable opération de sauvetage. Cette situation ne fait que perdurer les effondrements. En ce sens, M. Benmedour, chargé de la communication de l'Agence nationale de l'archéologie, fait état de 37 aires de jeux, dégagées suite aux disparitions des douirate. « A ce rythme, La Casbah risque de perdre ses édifices pour ne devenir qu'un immense espace dédié aux jeux », a-t-il déclaré. Notre interlocuteur a tenu à rappeler que La Casbah a été déjà abandonnée trois fois. La première, c'était en 1515, marquant le début de la domination ottomane. Le chef berbère, Salim Ben Toumi, a été assassiné sur ordre de Aroudj, dans sa résidence. Celle-ci deviendra un peu plus tard Dar El Sotane. Beaucoup d'habitants se réfugièrent alors dans les montagnes, d'autres s'installèrent à Delleys et à Cherchell. La deuxième fois, ce fut le 1er décembre 1832. Sur ordre du général Pichon, 20 000 habitants de La Casbah prirent le chemin de l'exil pour s'établir en Orient. La troisième fois, elle remonte à 1962 : plusieurs Kasbadjis quittèrent leurs anciennes demeures pour occuper des villas laissées par les Européens. « L'antique citadelle, victime depuis lors de la bêtise humaine se rapproche de jour en jour de sa totale agonie. En dépit d'un mouvement associatif, des comités, des fondations, la médina n'a pas bénéficié d'une réelle prise en charge. Chaque année, on s'applique à organiser une journée nationale de La Casbah, qui correspond au 23 février, mais celle-ci se limite à une simple festivité. Passée cette journée, La Casbah continue de subir les conséquences d'une indifférence inqualifiable », a encore affirmé M. Benmedour. Foisonnant dans le même ordre d'idées, le chargé de la communication estime que ce patrimoine mondial pourrait être sauvegardé à condition que les pouvoirs publics procèdent à l'installation d'une institution spécialisée dans le domaine de la préservation des monuments et des sites historiques. Encore faut-il renforcer cette institution par des architectes et des spécialistes formés dans le domaine de la restauration, tout en les équipant d'un matériel moderne grâce auquel des techniques appropriées pourront être appliquées. « Parfois, certains représentants officiels évoquent la nature juridique des biens, allusion faite à un nombre appréciable de douirate qui relèvent de la propriété privée. A se fier à cet argument, aucune intervention n'est possible pour préserver les édifices qui menacent ruine. Cela n'est qu'une échappatoire pour justifier l'absence d'une prise en charge effective », confie le même interlocuteur. « Pourtant la loi 98-04 du 15 juin 1998 stipule que l'Etat peut procéder à l'achat des biens privés afin de les restaurer dans le but de sauvegarder un patrimoine national et mondial à la fois », a précisé notre interlocuteur.