Entre palais ottomans, anciennes synagogues reconverties en mosquées, cette Casbah, qui est la plus grande du Maghreb, est une véritable mosaïque de couleurs et de diversités culturelles. Classée patrimoine mondial de l'Unesco, elle recèle de véritables bijoux pour les regards les plus curieux. « Sésame ouvres-toi », laissons-nous nous perdre dans des ruelles gorgées de mystères… De la place des Martyrs, au pied de La Casbah, il est facile de se rendre compte de l'immensité de cette ancienne cité mauresque (60 ha). Le premier monument que l'on aperçoit est la mosquée de Ketchaoua construite en 1794. Elle fut transformée en cathédrale pendant la période coloniale, puis reprise par le culte musulman à l'indépendance. Monument matériel et historique, entre les pans de ses murs se cache l'histoire des frères Barberousse (fondateurs de la Régence d'Alger) et des deys ottomans qui ont laissé derrière eux bon nombre de palais. Pittoresque patio Une fois rentré dans les ruelles alentours, le reste de la ville se referme derrière le visiteur pour mieux l'accueillir dans les entrailles tortueuses et mystérieuses de La Casbah. Perchées en hauteur, les constructions sont des chefs-d'œuvre d'ingéniosité, puisque la plupart se situent sur des pentes raides et trouvent leur équilibre en se soutenant mutuellement, et quand l'une s'écroule, il arrive souvent qu'elle entraîne sa voisine dans son implacable chute. Un peu plus loin, un premier palais s'offre au flâneur. Rien n'indique qu'à l'intérieur de ses murs, aujourd'hui souffreteux, existe une douéra riche en faïence d'Elfe, marbre d'Italie et fontaines. Construites autour d'une cour intérieure, les salles arborent un décor infiniment détaillé, il suffit de lever la tête pour voir des arabesques sculptées à même le plafond ou encore des poutres ancrées depuis cinq siècles. Passé le premier étage, on accède à la terrasse avec une vue imprenable sur la baie d'Alger et sur les minarets des mosquées dressés tels des phares sur les toits de la ville. Au sortir du palais, l'esprit encore imprégné de l'élégance mauresque, il est possible de croiser sur son chemin une vieille dame portant encore l'habit traditionnel algérois. Dissimulée derrière un très grand voile immaculé la recouvrant de la tête aux pieds, le visage caché derrière le foulard, elle affiche un regard perçant. Encore quelques pas et l'on peut rencontrer un autre personnage, M. Tchoubane, le dernier véritable artisan de la vieille ville, encore au travail à 94 ans. Le temps semble s'être arrêté dans cet atelier où il façonne le bois depuis plus de soixante-dix ans. Il est attaché à ses habitudes comme des repères dans une Casbah qui a connu beaucoup de changements irréversibles en si peu de temps. La modernité venue, à grands pas, n'a pas été un atout comme dans d'autres lieux ancestraux et touristiques, mais un élément de défiguration. Menacée d'être déclassée patrimoine mondial de l'Unesco, en raison des nombreux fonds destinés à la restauration qui n'ont, toujours pas eu effet sur le délabrement, La Casbah est en danger de mort. Sur les 8000 habitations répertoriées en 1830, il n'en reste aujourd'hui plus que 600. Il est presque ulcérant pour les anciennes familles habitant les lieux depuis des générations de voir autant de richesses disparaître faute de ne pas avoir réagi à temps, l'un des vestiges d'autant plus essentiel et leur sens de la culture indéniable qu'ils partageront volontiers avec l'étranger respectueux. « Les anciens nous donnaient l'impression d'avoir fait le tour du monde sans jamais avoir quitté La Casbah » , explique Kechkoul Roudouan, qui vit toujours dans la ruelle qui l' a vue naître. Malgré ces innombrables pertes, une première visite dans La Casbah d'Alger restera sans doute dans la mémoire du visiteur, tant elle le fait voyager à travers les âges et les rouages de l'histoire qui ne cessent de la hanter.