Ils devaient être plusieurs représentants de partis politiques à la rencontre-débat sur les élections législatives organisée, samedi à Paris, par l'association Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA)(*) sur le thème «Algérie : élections législatives 2012, et après». Les candidats du FLN et de l'Alliance verte, qui ont donné leur accord, ont manqué à l'appel au dernier moment, tandis que le RCD qui aurait donné un premier accord de principe n'a pas confirmé, selon les organisateurs. Seuls les candidats pour la zone 1 du FFS, Samir Bouakouir, et de Jil Jadid, Fateh Bendali, se sont prêtés au jeu des questions-réponses des animateurs de ce débat pluraliste. Avec, depuis l'Algérie, par vidéoconférence, les porte-parole du Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (MJIC), Abdou Bendjoudi, et du Collectif des chômeurs, Tahar Ben Abbas. Paris. De notre correspondante ACDA dresse le tableau : «Il semble que ces élections soient perçues par le régime comme un moyen de se (re)légitimer. Certains partis islamistes voient pour leur part une occasion inespérée de remporter les élections dans la foulée des victoires des islamistes tunisiens et marocains. De leur côté, certains partis démocrates voient dans la participation un moyen de remobiliser leurs militants et les sympathisants. De rares partis et davantage de syndicats, d'associations et de mouvements militent, ouvertement ou non, en faveur du boycott d'élections dont ils n'attendent rien. Ces différentes positions traduisent-elles un décrochage entre une majorité de partis politiques et une partie de la société civile ?» Dans l'Algérie de 2012, quels sont les enjeux politiques de ces élections législatives «dont beaucoup considèrent qu'elles ne seront ni libres ni transparentes ?». Sur cette question centrale, le représentant du FFS, qui a boycotté les élections de 2002 et 2007, a particulièrement été sollicité. Autre question : le boycott peut-il présenter une alternative aux Algériens ? Quel rôle pour le député dans une Assemblée qui ne donne pas pleins pouvoirs à la représentation élue pour légiférer ? «Nous croyons à un système politique qui ne peut fonctionner qu'avec la démocratie et ce n'est possible qu'en y participant», explique le secrétaire général pour l'Europe de Jil Jadid, pour justifier la participation de son parti, créé il y a un an, aux législatives du 10 mai. «C'est une opportunité d'ouverture, chacun peut la mesurer à sa manière, c'est un premier pas.» Et d'ajouter : «On est conscient que le changement décrété par le pouvoir politique ne va pas changer la donne du jour au lendemain. Le 11 mai 2012 sera un début de processus que notre parti compte accompagner.» Fateh Bendali observe toutefois qu'«un faisceau d'indices nous laisse sur certaines réserves consistant à considérer que l'ouverture n'est pas totale et que les jeux sont faits. Nous croyons tout de même à un changement possible». Agir pour le changement démocratique c'est identifier, en amont, les obstacles et tenter de les surmonter, et cela commence par le développement du débat démocratique, explique pour sa part, en préambule à son argumentaire, le représentant du FFS de l'émigration et candidat de la zone 1. «La rupture avec le système est une rupture avec la conception autoritaire du pouvoir, elle est aussi sociale et culturelle, le mythe du chef de clan, de l'homme providentiel, du despote éclairé a largement imprégné la culture politique, y compris de l'opposition», «un processus de désaliénation individuelle et collective», souligne Samir Bouakouir. Et de se demander s'il suffit aujourd'hui de «remplacer un pouvoir par un autre pour que la rupture se fasse». «Nous disons au FFS que le système a tout fait pour démobiliser la société, détourner les jeunes et les moins jeunes de la chose politique.» Puis d'expliquer que le FFS va à ces élections pour «remobiliser et repolitiser la population». «Nous considérons que le boycott n'est pas une réponse politique satisfaisante, il aggrave la dépolitisation de la société et fait le jeu des rentiers du système.» Devoir de vigilance Quel est l'intérêt d'être député dans une Assemblée où l'Etat de droit n'existe pas ? Le représentant de Jil Jadid relève l'échec de la constitution d'un Etat de droit et se demande comment une économie peut-elle être au service d'un Etat si les structures de l'Etat ne fonctionnent pas ; et le pouvoir du député entre dans ce mécanisme. «Nous prônons un équilibre des pouvoirs indépendants ; on contribuera à construire la démocratie de l'intérieur.» Le représentant du FFS affirme que son parti «ne se fait pas d'illusions sur la réalité d'une Assemblée qui ne dispose pas de véritables pouvoirs dans un système ultraprésidentiel». «Notre action est dirigée vers la société», insiste Samir Bouakouir. «Nous croyons en la force du politique, la libération des dynamiques politiques et sociales rendra caduc tout ce dispositif liberticide.» Le but du FFS, en allant aux législatives, est de «créer des espaces de débat politique publics autonomes». «Notre stratégie, c'est l'affirmation du politique, de la capacité de débattre en bannissant la violence et créer un rapport de force politique dans la société favorable à une alternative.» «Nous nous imposons un devoir de vigilance, si nous participons aux législatives, c'est pour favoriser une transition démocratique et non pour apporter une quelconque caution», a insisté le représentant du FFS. Appel pressant du MJIC à la défense des libertés Intervenant depuis Alger, le porte-parole du MJIC, qui qualifie ce dernier de «mouvement d'opposition radical au système qu'on ne reconnaît pas», fait un constat alarmant de la situation des droits et libertés, des atteintes quotidiennes au droit de se rassembler, de manifester, de se mobiliser en toute indépendance et lance un appel solennel de soutien à ses militants et à tous les militants des droits de l'homme. «La physionomie du pouvoir n'a pas changé, sa nature non plus ni la situation des Algériens. Que des partis démocratiques participent aux législatives, n'est-ce pas une caution ? Est-il normal d'aller aux élections alors que la situation empire sur le plan des libertés ? Est-il normal d'aller vers ces élections sachant qu'il n'y aura aucun changement ? La création de rapports de force se fera sur le terrain avec des syndicats, des associations démocratiques autonomes.» Le représentant des chômeurs intervient dans le même sens. Samir Bouakouir réplique que le cadre réglementaire en vigueur ne permettra pas à la future Assemblée d'infléchir la situation actuelle, «c'est la contestation pacifique qui imposera la dynamique de changement. L'émergence d'une culture démocratique est la clé de ce changement». «A Jil Jadid, on considère que le changement s'inscrit dans la durée», souligne son représentant. «Nous prônons une révolution politique pacifique, sereine et déterminée.» Un ancien observateur international en Algérie souligne que la présence d'observateurs internationaux aux législatives est une fenêtre d'opportunité qu'il ne faut pas méconnaître. Le débat avait été précédé de communications de l'économiste Ahmed Dahmani, du sociologue Mohammed Hachemaoui et de notre consœur Ghania Mouffok sur lesquelles nous reviendrons dans une prochaine édition. (*) Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA) est un collectif d'Algériennes et d'Algériens qui s'est constitué en France, en janvier 2011, comme espace de réflexion, de débat et d'action en faveur du changement démocratique.