A écouter Nicolas Sarkozy, il y a les «vrais» Français et les autres, les Français «de souche» et les Français «de papiers», le «vrai» travail et les «assistés». Une France divisée, clivée, hiérarchisée, c'est le projet qu'il défend en légitimant le discours de Marine Le Pen, voire en allant au-delà. Paris De notre correspondante Nicolas Sarkozy a cassé les codes de l'ordre républicain, de ses valeurs de respect, d'égalité des citoyens, de dignité et d'humanisme que défend pour sa part le candidat socialiste, François Hollande, qui a affirmé que s'il était élu, il ferait supprimer le mot «race» de la Constitution. La «frontière», terme cher à Nicolas Sarkozy, entre celui-ci et François Hollande est là. Nicolas Sarkozy franchit les lignes républicaines une à une. Il a appelé ses partisans à le rejoindre le 1er mai à Paris, place du Trocadéro pour «fêter tous ceux qui travaillent». «Le 1er mai (...) François Hollande défilera derrière les drapeaux rouges de la CGT», a-t-il insinué, alors que le candidat socialiste a clairement fait savoir qu'il ne défilerait pas avec les syndicats, mais se rendrait à Nevers pour commémorer l'anniversaire de la mort de l'ex-Premier ministre socialiste Pierre Bérégovoy qui s'est suicidé le 1er mai 1993. Toujours rassembleur, François Hollande a adressé un courrier aux leaders des cinq confédérations syndicales (dévoilé lundi par Le Parisien) dans lequel il réitère ses promesses d'en faire des acteurs majeurs du prochain quinquennat en cas de victoire. «Nous devons passer de la convocation à la consultation, du monologue à la concertation de l'écoute distance à la négociation : telle sera mon approche», écrit François Hollande. A droite, le malaise est perceptible. François Fillon s'est démarqué de Nicolas Sarkozy en affirmant sur RTL qu'il fallait «éviter toutes les remarques désagréables à propos des syndicats», car ils «sont nécessaires au fonctionnement de l'économie et du système social français».Le secrétaire général de la CFDT François Chérèque a vivement critiqué lundi 30 avril, dans deux entretiens, l'organisation, par Nicolas Sarkozy, d'un contre-rassemblement au Trocadéro, à Paris : «Je ne reproche à personne de fêter le travail, je reproche au président de la République de détourner le sens du 1er Mai qui est d'abord une journée d'expression des syndicats et des représentants des salariés», a-t-il notamment dit sur France Info. «Un discours insupportable» «Que ce jour-là, qui doit être l'occasion d'un débat sur le travail, soit une journée où un des candidats en profite pour fustiger les syndicats, pour agresser verbalement les syndicats, je pense que c'est un détournement de cette journée et c'est regrettable», a-t-il ajouté.«Ce type de discours, qui pousse à la division, est devenu insupportable», a dit par ailleurs François Chérèque dans un entretien à Libération (en accès réservé aux abonnés). «Je n'ai pas souvenir d'une telle agressivité vis-à-vis des organisations syndicales, fondée qui plus est sur de faux constats. La confiance sera donc difficile à restaurer», ajoute-t-il. «Ne pas respecter les syndicats, c'est dangereux pour la démocratie, pour l'économie, pour l'emploi», a insisté M. Chérèque. «Des thèmes qui ne font pas honneur à la France» Toujours plus à droite et plus exclusif, Nicolas Sarkozy affirme qu'il n'acceptera pas qu'«il n'y ait plus aucune différence entre être Français et ne pas l'être». «Sans frontière, il n'y a pas de nation, pas d'Etat, pas de République, pas de civilisation», a-t-il insisté. «Effacer les frontières et c'est aussitôt une multitude de petites frontières beaucoup plus dangereuses, des frontières sociales, des frontières ethniques, inacceptables et des frontières religieuses dont nous ne voulons pas.» «Je veux que la France incarne la nouvelle frontière de la civilisation du XXIe siècle.» «Comment accepter que les ouvriers, les paysans, les jeunes puissent accorder leurs suffrages à un parti qui ( ...) se sert d'eux pour porter des thèmes, des références qui ne font pas honneur à la France ?», s'est interrogé, pour sa part, le candidat socialiste, hier, dans un meeting à Limoges. Le grand soir Le débat de l'entre-deux-tours aura lieu ce soir sur TF1 et France 2 qui en sont «les diffuseurs hôtes». La «tradition républicaine» sera respectée, malgré les demandes répétées de Nicolas Sarkozy pour organiser plusieurs confrontations avec François Hollande, qui a catégoriquement refusé, ce sera le seul débat télévisé entre les deux finalistes à l'élection présidentielle. Les chaînes tout info pourront reprendre gratuitement le «signal» pour le diffuser en direct, tout comme les chaînes parlementaires et les radios. Le débat aura lieu dans un studio de La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), et il sera arbitré par les deux journalistes, Laurence Ferrari (TF1) et David Pujadas (France 2). Le débat est prévu pour durer au moins deux heures.