Dans sa préface du livre, Gilles Manceron qualifie Le 17 octobre des Algériens, de Marcel et Paulette Péju, paru au mois de mars 2012 aux éditions Média-Plus, de «manuscrit inédit». L'ouvrage, qui devait paraître à l'été 1962, sera annulé pour des raisons liées à la crise politique du FLN. Le pouvoir algérien de l'époque avait finalement décidé d'empêcher la sortie d'un livre qui mettait en valeur l'action de la Fédération de France. Cinquante ans après, selon Gilles Manceron, «la publication du livre s'imposait parce qu'il apporte des éléments sur la répression d'Etat (français, s'entend) la plus violente et la plus meurtrière qu'eût subie une manifestation de rue pacifique ; il permet de comprendre l'événement et les causes de la répression menée par des opposants à la politique algérienne du général de Gaulle et les facteurs qui ont conduit à l'occultation de cet événement pendant plus de 20 ans». Réparti sur quatre chapitres : La bataille de Paris, Le 17 octobre : pourquoi ? Comment ? Ce soir-là, la manifestation des femmes, l'ouvrage fait l'éclairage sur un événement qui apparaît, avec le recul, comme un acte politique de première importance, ce qui permet de mieux le comprendre pour tenter de retracer comment il a été conçu, décidé, organisé par la Fédération de France du FLN et comment il a été vécu par ses acteurs. Un événement dont la genèse remonte au 17 septembre 1961, quand des Algériens furent tués lors d'une rafle dans un café ou un hôtel. D'autres étaient sortis le soir, mais ne sont jamais revenus. La liste des exécutions, de jour comme de nuit, est interminable, notent les auteurs du livre qui rapportent les méthodes de répression de la police à Paris, style «Bataille d'Alger», sous l'impulsion du préfet Maurice Papon. Il s'agissait de briser par tous les moyens les structures du FLN en France, en frappant à titre individuel les militants, et d'empêcher le financement de la Révolution. Des témoignages poignants de certaines victimes ayant miraculeusement échappé à la mort sont cités, donnant une idée sur la véritable guerre généralisée, engagée contre l'émigration algérienne. Le livre analyse les origines du 17 octobre, qui se résume comme suit : l'exigence de riposte venue de la base, une erreur tactique du préfet de police et une décision politique de l'organisation du FLN, suite à l'institution, le 6 octobre 1961, du couvre-feu à 20h pour tous les Algériens de la région parisienne. Une mesure qu'il était impossible de tolérer, aussi naquit l'idée d'organiser, le 17 octobre, une manifestation de masse rigoureusement pacifique qui aura lieu à Paris, pour le boycottage du couvre-feu. Les policiers armés de matraques, mitraillettes et revolvers, attendaient les manifestants. La répression fut terrible. Des témoignages sur les massacres défilent sur plusieurs pages. Des hommes tabassés, entassés dans des fourgonnettes, seront emmenés vers une destination inconnue, avant d'être balancés dans les eaux de la Seine. Le deuxième volet de l'ouvrage propose une analyse détaillée et fort intéressante de Gilles Manceron sur l'occultation du massacre du 17 octobre 1961 pendant près de trois décennies. Un fait marqué principalement par «la négation et la dénaturation immédiates des faits de la part de l'Etat français, et le souhait des premiers gouvernants de l'Algérie indépendante qu'on ne parle plus d'une mobilisation organisée par des responsables du FLN qui étaient, pour la plupart, devenus des opposants». Le 17 octobre des Algériens, par Marcel et Paulette Péju, suivi de La triple occultation d'un massacre par Gilles Manceron, éditions Média-Plus 2012.