Battre l'abstention a été le mot d'ordre dominant durant la campagne électorale. Elle est le redoutable adversaire des participationnistes. Les partis politiques en lice pour les législatives de demain ont été jusqu'à brandir la menace étrangère pour convaincre de la nécessité de se rendre massivement aux urnes. C'était peine perdue et les partis ont dû le constater à leurs dépens. La campagne a été marquée essentiellement par une très faible mobilisation populaire. L'adhésion désespérément attendue n'a pas été au rendez-vous. Le boycott est dans l'air et fort probablement dans les urnes. Il est porté politiquement par des personnalités de poids et autres figures de la lutte pour le changement, mais de manière éparpillée. Figure légendaire du combat démocratique, Ali Yahia Abdenour estime que «la priorité politique absolue est le boycott des élections législatives». Il a écrit, dans une tribune parue dans El Watan, que «l'abstention, qui progresse à chaque scrutin, est un acte de méfiance et de désaveu à l'égard du pouvoir qui interfère de manière directe dans le truquage de toutes les élections qui mènent à la normalisation autoritaire de la société». Avant lui Djamel Zenati, autre figure de l'opposition démocratique, assimile le scrutin de demain à «une messe de prédateurs» et lance un appel à «boycotter cet abject cérémonial». D'anciens ténors du FFS, contre le choix de leur parti, ont pris position en faveur du boycott. Pour le RCD, seul parti politique à avoir appelé à bouder les urnes, le boycott est passif. Mokrane Aït Larbi tente, dans une analyse publiée hier, dans les colonnes du quotidien arabophone El Khabar, de se placer au-delà de l'équation participation/non-participation. «Ce n'est ni la participation ni le boycott qui changeront la vie des Algériens. Il est urgent, avant que la rue ne bouge, d'engager un large débat sur les grandes questions comme la Constitution et les garanties qu'elle soit respectée par le pouvoir.» D'autres personnalités ont aussi exhorté les Algériens à ne pas être au rendez-vous de demain. Cependant, les boycotteurs agissent en rangs dispersés et ce, malgré la convergence d'arguments et analyses sur nombre de questions. C'est une contestation générale, mais dispersée. Elle s'exprimera le 10 mai. Cependant, le jour d'après se posera l'incontournable question : que faire ? Quel sens politique a donné ce boycott ? Comment traduire politiquement cette contestation massive ? Tel est le défi à relever pour donner un sens et aussi et surtout une voie à une révolte politique et sociale latente. Le désir de changement doit prendre la forme d'une alternative au pouvoir. «Rupture et convergence sont les impératifs pour un renouvellement de la perspective politique en Algérie, loin des voies dangereuses», préconise Djamel Zenati. Certes, ce n'est pas une utopie, mais les clivages qui minent les forces politiques militant pour le changement, mais également en raison d'un autoritarisme paralysant, rendent difficile la convergence des luttes. Du moins jusque-là. «Est-ce une fatalité ? Non c'est une nécessité historique», rétorquent nombre d'acteurs politiques. Nul doute que l'abstention sortira, au lendemain des élections législatives, le grand parti. Mais un parti sans voix…