Pas de pont pour Garta » - une bourgade de l'Algérie profonde située dans la daïra de Sidi Okba - en ont décidé les autorités compétentes, mais un drôle de gué a été retenu pour être construit dans le lit de l'oued Braz afin de sortir ce village, d'un millier d'habitants, de l'isolement dans lequel il se trouve confiné, à chaque fois qu'un orage ou une forte pluie se met à tomber. Les représentants des citoyens de Garta - une cité profondément enracinée dans la préhistoire, puisque contemporaine de l'antique Cirta, capitale de la Numidie et fondée comme elle par les Gartaginois vers 210 av J.-C., - étaient profondément mécontents et l'on fait savoir d'abord en boudant la réunion de travail présidée par le wali de Biskra dans le siège de la daïra de Sidi Okba, ensuite en réaffirmant qu'ils ne veulent pas de ce gué ! « Ce serait une insulte à tous nos valeureux chouhada... On a la nette impression qu'ils se sont sacrifiés pour rien », précise un ancien moudjahid. Et de rappeler que proportionnellement à sa population d'avant novembre 1954, Garta a fourni à la révolution le plus grand nombre de moudjahid et chahid de la région. « Depuis l'indépendance, on a réalisé à Garta en tout et pour tout qu'une école primaire, un centre de soins et deux forages à l'arrêt, dont l'un devait alimenter un périmètre agricole à l'abandon », résume notre interlocuteur. « Les crues de cet oued de malheur ont emporté une grande partie de notre cimetière, et lors de la grande crue d'il y a trois ans et qui a isolé notre village pendant une semaine entière que l'on a vécue sans aucun secours, les autorités étaient occupées ailleurs ! Nos enfants et nos femmes affamés qui tentaient de traverser ce gué avec de l'eau boueuse jusqu'à mi-cuisse ont failli être emportés à leur tour. » Ce n'est pas un pont inscrit dans les grands projets d'aménagement des territoires du Grand Sud et jeté sur l'oued Graz qui ruinera un Etat disposant d'un matelas financier de quelque 60 milliards de dollars. « La priorité des priorités pour nous c'est le pont ! Notre honneur ne nous permet pas d'aller créer de nouveaux bidonvilles autour du chef-lieu de la wilaya et de profiter des centaines de logements sociaux comme le font des populations venues de nulle part », conclut le représentant des Gartis.