Sa capacité ne dépasse guère les 17 millions de mètres cubes d'eau à cause du manque d'entretien. C'est l'ouvrage d'art le plus ancien de la wilaya. L'Algérie regorge de ressources naturelles, mais une seule pourtant lui fait cruellement défaut : l'eau. La pénurie de ce précieux liquide, si elle venait à perdurer, pourrait affecter toute l'économie du pays, et particulièrement l'agriculture, grande consommatrice d'eau. Selon un chercheur de l'université Johns Hopkins, l'Algérie est considérée comme un pays « hydrosensible », dans la mesure où chaque Algérien ne pourrait disposer, d'ici 2025, que de moins du seuil des 1 700 m3 /an dont use et abuse chaque habitant des pays nantis. Or, le plus inquiétant ne s'arrête pas à ce risque de panne sèche, car l'eau, et surtout le trop-plein d'eau, provenant des pluies torrentielles, des orages dévastateurs et autres inondations catastrophiques, induits, semble-t-il, par le dérèglement climatique, apporte son lot de périls imminents, sous la forme la plus pernicieuse, à savoir l'envasement inexorable de nos barrages, à plus ou moins brève échéance. En 2000 déjà, certains spécialistes ont tiré la sonnette d'alarme, estimant que l'envasement global des barrages est de l'ordre de 41 % de leurs capacités totales, soit environ 500 millions de m3, l'équivalent de la capacité de 5 grands barrages. A l'agence nationale des barrages et des transferts (ANBT), l'on reconnaît qu'aucune attention particulière n' a été, auparavant, accordée à l'entretien et à la maintenance de ces ouvrages, d'autant que les 70 % du parc avaient plus de 30 ans d'âge, période pendant laquelle les huit bassins versants du nord du pays continuaient à être sujets, sur plus de 40 % de leur superficie, à une désagrégation mécanique, amplifiée par une érosion intense, les matériaux meubles étant alors transportés plus ou moins loin, suivant l'agent d'érosion qui y prévaut. Bref ! Et sans jouer les Cassandre, ni les esprits chagrins, il faut bien convenir, avec les associations soucieuses de la protection de notre environnement, que si rien de sérieux n'était fait d'ici l'horizon 2015, l'envasement de la cinquantaine de barrages, actuellement en exploitation dans notre pays, atteindrait un volume estimé, par d'éminents hydrauliciens étrangers, à quelque 2 500 hm3, soit environ 54,5 % de leur capacité totale. C'est justement le cas de l'ouvrage d'art le plus ancien de la wilaya de Biskra, un barrage construit à la fin des années 1940 sur les deux rives de l'oued El Abiod, dont la source se situe à 90 km en amont, et à plus de 2 000 m d'altitude dans les monts Chélia. Le mur en béton de ce barrage-voûte, haut de 65 m, est adossé aux falaises karstiques du lieudit Foum El Gherza, de hautes falaises qu'il avait fallu renforcer, en y injectant, sous pression, d'énormes quantités de béton liquide pour tout étanchéifier et tout colmater. C'est à la société SPIE Batignoles, avec la participation de plusieurs autres entreprises locales, qu'a échu la réalisation, non-stop, de cet admirable ouvrage d'art. « Les travaux débutèrent exactement en pleine canicule du début de juillet de l'année 1948 », se rappelle, comme si cela datait d'hier, un ancien ouvrier du barrage qui affirme avoir fait partie, à tour de rôle, des 3 équipes qui se relayaient H/24 sur le site, soit sur le chantier proprement dit du mur du barrage, soit dans les carrières à ciel ouvert, creusées à flanc de montagne, pour livrer l'ouvrage dans les délais impartis, à savoir en mai 1950, donc 2 ans, jour pour jour, après la date du premier coup de pioche. « L'établissement d'un chantier colossal dans cette région désertique rendit nécessaires certains travaux préliminaires », se souvient un ancien salarié de l'ex-Hydraulique. « Il a fallu, ajoute-t-il, tracer, d'abord, une route d'accès pour le transport desmatériaux, ensuite construire une cité de villas à Biskra, pour loger les cadres de maîtrise du projet et leurs familles venues de Paris, et enfin, non loin du barrage, ériger la cité ouvrière du Relai, bourdonnant comme une ruche, de jour comme de nuit ». A. Sellam, le directeur, nous confiera ceci : « Le secteur de l'hydraulique des Ziban a bénéficié, ces 3 dernières années, de trois grands projets structurants ». Un demi-siècle d'âge Le plus important est, sans aucun doute, l'opération tant attendue concernant le désenvasement du barrage de Foum El Gherza. Cette retenue d'eau, située à 15 km au nord-est de Biskra, doit, en principe, « avec ses 45 hm 3, réguler et satisfaire les besoins en eau d'irrigation d'un périmètre de 1 200 ha correspondant à la plantation de plus de 300 000 palmiers dans les villages de Sériana, Garta et dans la daïra de Sidi Okba », précise Driss Hamzaoui, chef du projet de désenvasement du barrage. Or, ce barrage, vieux de plus d'un demi-siècle et qui, malgré tout, défie encore les ans, est envasé aux 2/3 de son volume, par tout ce que les pluies torrentielles ont détruit en amont dans son bassin versant pendant des décennies, et par tout ce que les eaux de l'oued Labiod ont charrié sur une longue distance, jusqu'au lac de retenue. Quant à sa capacité, elle ne dépasse guère les 17 millions de m3 d'eau, bien qu'il ait été rempli à ras bord au début de la première tranche de l'opération, il y a 3 ans de cela, chose qui a coûté 520 millions de dinars. « Justement, nous avons saisi cette opportunité pour entreprendre cette opération salvatrice, sachant que pour 1 volume de vase à retirer du fond du barrage, il faut mobiliser 4 à 5 volumes d'eau pour la diluer et la pomper », explique le chef du projet. Et d'ajouter : « Dans un souci de recyclage et d'économie de l'eau, nous avons exigé de l'entreprise Hydro-Dragage SPA qui, pour la coquette somme de 1,2 milliard de dinars, s'est vue confier la réalisation de la seconde tranche de cette gigantesque tâche, de déverser la boue diluée, non pas en aval, comme cela se fait ordinairement, mais en amont du barrage, du côté de la sortie nord du village de Droh, dans des périmètres de décantation et de lagunage où l'eau, une fois débarrassée des sédiments qu'elle a contribué à charrier, retournera claire comme l'eau de roche au barrage ». Sachant, en plus, que D. Hamzaoui a entamé le reboisement total du site avec, sur certaines parcelles, comme couverture végétale, des plants de la siguoise, acclimatée dans la région, et qui promet d'abondantes récoltes. Ce site, classé patrimoine de la nation, et qui vaut le détour, est régulièrement visité chaque année par des centaines de milliers d'oiseaux migrateurs de toutes sortes et par des dizaines de milliers de… visiteurs. Il pourrait devenir, à coup sûr, un incomparable pôle de développement économique dans des créneaux porteurs comme l'aquaculture à grande échelle.