Cette nouvelle Assemblée, que l'on voulait tant crédible parce qu'elle aura pour mission de débattre et d'enrichir la Constitution, ne répondra pas, de l'avis de nombreux observateurs, aux attentes de la population. Les élections législatives du 10 mai n'a pas changé la cartographie politique de l'Assemblée populaire nationale (APN). L'étiquette «chambre d'enregistrement» ou Assemblée «mal élue» collera toujours à l'hémicycle Zirout Youcef puisque les formations politiques qui composaient l'Alliance présidentielle dans la précédente Assemblée ont été reconduites dans l'ordre et, mieux encore, avec un nombre de sièges substantiellement supérieur pour certaines d'entre elles. Cette nouvelle Assemblée, que l'on voulait tant crédible parce qu'elle aura pour mission de débattre et d'enrichir la Constitution, ne répondra pas, de l'avis de nombreux observateurs, aux attentes de la population. Mieux encore, les nouveaux parlementaires ne sont pas habilités ni à proposer un projet de loi portant révision de la Constitution ni des amendements à la loi fondamentale du pays. L'article 170 de la Constitution est clair à ce sujet ; il stipule que pour pouvoir proposer un amendement ou un projet de révision de la Constitution, il faut les trois quarts des deux Chambres parlementaires réunies. Invité à analyser, sur le plan juridique, le rôle de la prochaine Assemblée et son implication dans la révision de la Constitution, le juriste Mokrane Aït Larbi estime qu'il n'y a aucune analyse juridique à faire sur cette question, mais la nouvelle configuration de l'Assemblée mérite une analyse politique. «A l'exception de la multiplication du nombre des femmes, la configuration de l'Assemblée n'a pas changé. Ceci sous-entend que les mêmes pratiques seront de mise», note ce juriste. Boudjemaâ Ghechir, également homme de loi, partage cette opinion ; il estime que l'APN est et restera, si elle n'est pas dissoute avant cinq ans, une simple Assemblée législative qui doit avoir pour rôle le contrôle de l'Exécutif, faire des propositions de loi, mener un débat critique, mais en vain. «Concrètement, l'APN n'a jamais accompli cette véritable mission», observe M. Ghechir. Sur la question de la Constitution, B. Ghechir pense que «si le pouvoir veut un réel changement, un changement radical, il optera pour une nouvelle Constitution ; mais s'il choisit un lifting de façade, il va recourir à des amendements techniques de certains articles de la Constitution». Plus explicite, Mokrane Aït Larbi explique que si «le chef de l'Etat opère des amendements qui touchent aux équilibres entre le pouvoir législatif et exécutif, ou entre les institutions ou bien aux prérogatives du Président et du Parlement, il sera dans ce cas de figure obligé de soumettre le texte à un référendum après un bref passage à l'APN». Mokrane Aït Larbi illustre ses propos par un exemple : «La mission principale du Parlement est de légiférer et de contrôler l'action du gouvernement à travers les questions écrites ou orales. Et, dans ce cas, on ne peut légiférer par ordonnance que dans des situations exceptionnelles ; or, on a constaté que le Parlement a voté, durant la sixième législature, des dizaines d'ordonnances.» Ceci implique que le Président a plus de pouvoir, dit-il. «En somme, il n'y a pas d'équilibre et si l'on touche à cet amendement, l'on doit consulter le peuple», affirment les juristes. M. Ghechir rappelle que si le Président propose l'amendement de certains articles qui touchent aux institutions de l'Etat ou certains cadres de fonctionnement de l'Etat, il ne peut pas se contenter de soumettre la nouvelle mouture à l'APN, mais un référendum s'impose. Toutefois, il craint qu'encore une fois, le pouvoir contournera et bafouera les lois de la République comme cela s'est passé en 2008. «En 2008, le Président a violé la Constitution avec la bénédiction du Conseil constitutionnel. Il a supprimé, lors de la révision de la Constitution, le poste de chef de gouvernement et l'a remplacé par celui de Premier ministre. Le chef de l'Etat a touché aux équilibres de la nation sans l'approbation du peuple !», rappelle notre interlocuteur. Par ailleurs, si le Président propose uniquement des amendements techniques, à savoir le recours à la limitation des mandats, cette démarche ne prévoit pas la consultation du peuple, mais seulement un débat au niveau des deux Chambres parlementaires. Pour l'heure, on ignore quels sont les articles de la Constitution qui seront amendés. Bouteflika donnera-t-il plus de pouvoir au Parlement ? Ou alors au Président ?