Maintenant que la campagne des élections législatives 2012 est terminée et les résultats connus, des questions se posent. Ces élections constituent-elles un début pour le changement qu'impose le niveau de conscience politique et d'évolution de la société ? Sont-elles une simple manœuvre destinée à absorber le mécontentement populaire face au laisser-aller, la corruption, l'impunité et la bureaucratie étouffante ? Avant d'y répondre, quelques remarques. -1) Les partis politiques ont participé à la campagne électorale avec des moyens inégaux : les partis du pouvoir ou ceux qui gravitent dans sa sphère ont bénéficié, depuis leur création, de tous les moyens de l'Etat, alors que les nouveaux en sont privés. Ceux-ci, comme le PLJ, n'ont même pas été autorisés à utiliser des tentes comme sièges ambulants à défaut d'avoir des permanences. -2) L'argent «sale», d'origine suspecte, que nous avons déjà dénoncé en 2009 à l'occasion de l'élection présidentielle, a investi avec force le terrain sans que ses détenteurs ne soient inquiétés, ce qui est de nature à semer le doute quant à la réalité des relations qu'entretiendraient certains cercles du pouvoir avec les milieux financiers. A titre d'exemple, un simple calcul indique que pour désigner des contrôleurs dans l'ensemble des communes, à raison d'un minimum de 20 000 DA par commune, il faut disposer d'au moins 30 millions de dinars ! En clair, cela signifie que les partis naissants ne peuvent assumer cette charge qu'en recourant aux milieux financiers, quel qu'en soit le prix. Il s'agit là d'une question que les partis politiques sérieux doivent aborder collectivement. -3) Les vertus du comportement militant ont été absentes ou totalement exclues des élections, car l'expérience vient de démontrer que l'effort requis du citoyen démuni pour la participation à la campagne électorale est souvent tributaire d'une contrepartie financière. Plus question de militantisme et d'abnégation ! -4) Les différents numéros attribués aux partis politiques participants ont désorienté les citoyens devant le nombre de partis et de listes indépendantes, et pénalisé en particulier les nouveaux partis encore inconnus du public. Trois numéros successifs ont été attribués : un pour l'affichage (différent suivant les wilayas), un d'identification nationale unique à l'échelle nationale (attribué par la Commission nationale de surveillance) et le troisième, différent suivant les wilayas, relatif à l'ordre de disposition des bulletins dans les bureaux de vote. Cette mesure a compliqué, dans beaucoup de cas, le choix des électeurs au point de détourner, par méconnaissance ou par fatigue, leur voix. Beaucoup ont cru que le 10 mai allait constituer un tournant dans notre vie nationale démocratique, traçant une nouvelle voie pour une nouvelle carte politique et préparant les conditions de reconstruction des institutions de l'Etat sur une base qui autorise le citoyen à espérer et à être rassuré que le pouvoir, cette fois-ci, est décidé dans sa volonté d'engager des réformes politiques afin de répondre positivement à ses aspirations. Les résultats proclamés sont en deçà des aspirations du peuple à la réhabilitation des vertus de la morale, de la compétence dans la gestion de la chose publique et au renforcement de la confiance du citoyen dans ses institutions. Autrement, comment expliquer que : - Le parti politique classé premier a raflé, dans des résultats législatifs sans précédent depuis l'institutionnalisation du multipartisme, 220 sièges alors que ses dirigeants et ses militants ont mené la campagne en rangs dispersés, minés par des querelles internes ; une situation qui contraste étrangement avec le discours de son secrétaire général, si sûr de lui-même au point de promettre, en pleine campagne, une surprise ! Le cours des évènements lui a donné raison : la surprise est là, le FLN reste, par miracle, la première force politique au parlement avec même 86 sièges supplémentaires ! - Le parti politique classé deuxième obtient sept sièges supplémentaires que rien ne justifie dans son bilan ; son secrétaire général a mené campagne contre le changement avec une assurance curieusement excessive ; les évènements lui donnent raison : le statu quo est maintenu. Un rappel : ces deux partis sont alliés au sein du même gouvernement qui a organisé les élections législatives et le seront probablement au sein du nouveau Parlement pour réviser la Constitution. Ainsi donc, le champ politique que les réformes du 15 avril visent à recomposer par l'intégration de nouvelles compétences nationales a été reconduit par le maintien des mêmes forces politiques, pourtant concernées par le changement souhaité. Ce statu quo autorise à penser que l'ouverture de la scène politique, annoncée au lendemain des manifestations de janvier 2011, n'est qu'une mesure tactique qui ne reflète pas une volonté politique claire de consolider, dans la pratique, le processus démocratique. Aussi, sommes-nous en droit de nous demander jusqu'où est-il permis d'aller pour maintenir le statu quo. Le PLJ considère que les résultats proclamés en faveur de l'aggravation du statu quo brouillent les cartes et constituent une surprise dont les répliques risquent d'être dangereuses ; ces résultats sont politiques et consacrent une logique de pouvoir qui ne renforce ni l'autorité de l'Etat ni permet un jeu politique sain. Mohamed Saïd. Président du PLJ