Le premier livre de l'écrivain égyptien, Alaâ El Aswany, L'Immeuble Yacoubian est l'un des signes du renouveau du roman arabe. L'auteur s'inscrit résolument dans le réalisme, loin de toute bigoterie ou moralisme. Nul doute que L'Immeuble Yacoubian sera squatté cette année par des centaines de milliers de lecteurs. L'Egypte que décrit Alaâ El Aswany dans L'Immeuble Yacoubian ressemble comme un pays siamois à presque tous les pays arabes. Les régimes, pour la plupart corrompus et non élus démocratiquement, se maintiennent et se perpétuent par la force. L'opposition de gauche, laminée, discréditée, a été phagocytée par les islamistes. L'Egypte est traversée par des intérêts divergents. Les locataires (citoyens) s'entre-déchirent à défaut de s'accepter. Taha, fils du gardien d'immeuble, rêvait de devenir policier avant de devenir islamiste, trop pauvre pour corrompre les membres de la commission. Hatem, homosexuel dans une société qui lui permet de jouir mais lui interdit le respect de l'amour, vit dans l'amertume. L'inénarrable Zaki, nostalgique d'une époque révolue, aurait voulu naître un siècle plus tôt. L'aristocratie a cédé sa place à l'affairisme. Et l'apparatchik El Fawli, homme politique opportuniste, qui fait et défait les hommes politiques, gère les carrières et les hommes comme dans le mythe de Faust. Les parvenus lui achètent leurs places de députés. Un million de livres le siège à l'Assemblée. Puis, il y a la belle Boussaïna. Fille aînée d'une famille pauvre, elle compose avec la réalité. Elle apprend à donner de l'élasticité à ses principes, à se montrer plus souple avec ses différents patrons. Petits arrangements de la vie. Fatalement, les chemins se croisent. Les parallèles se touchent, n'en déplaise aux lois mathématiques. Alaâ El Aswany se moque des convenances. Sa liberté de ton sera sûrement condamnée par tous les conservateurs et bigots, toujours alliés malgré les apparences. Son regard est plein d'humanisme, à la fois tendre et moqueur. Il aime les gens qu'il décrit, parfois avec férocité. Actes Sud a eu l'heureuse initiative de traduire ce livre en français, moins de quatre ans après sa publication en langue arabe. Avec une écriture simple, limpide et presque académique, Alaâ El Aswany nous donne à comprendre le mal-être arabe. L'Egypte de Moubarak a failli. Un film réunissant de nombreuses vedettes arabes est en montage. Pour l'anecdote, les locataires originaux de l'immeuble populaire Amarit Ya'koubain ont refusé à l'équipe de tournage l'accès au bâtiment éponyme. Selon eux, le film est une insulte aux anciens locataires qui apparaissent dans le film comme personnes corrompues.Le scénariste Waheed Hamid a réuni Adel Imam, Jamel Rateb, Nour Cherif, Leila Aloui, Yusra et la Tunisienne Hend Sabri.