Le dentiste égyptien se voit aujourd'hui encore couronné de succès grâce à son nouveau roman Chicago. Auteur du best-seller international L'immeuble Yacoubian, l'écrivain égyptien, Alaâ al-Aswani, fait encore parler de lui. Son nouveau roman Chicago qui raconte les conflits et les contradictions d'Egyptiens partis aux Etats-Unis, est devenu un événement littéraire dans la frange de l'élite cultivée. Il sort dans un contexte des plus favorables qui suscitera, à coup sûr, beaucoup de bruit. La sortie de Chicago coïncide avec le Salon du livre du Caire, le plus important en quantité, du monde arabe, où 2 millions de visiteurs attendus se voient proposer, en grande majorité, des ouvrages islamiques, voire islamistes. Chicago s'est vendu à 13.000 exemplaires, suscitant aussi l'ire de cercles islamistes. Et pour cause: Après avoir confronté, dans L'immeuble Yacoubian, ses lecteurs avec le tabou de l'homosexualité, il leur raconte ici, au risque de les choquer, l'amour complexe entre une jeune juive américaine et un jeune musulman égyptien. «Des juifs, j'en ai côtoyé à l'école. Ils nous sont proches, me disait mon père, un écrivain», dit Alaâ al-Aswani, pour qui «on ne peut pas jouer avec l'Holocauste: c'est une tache dans l'histoire de l'humanité». Si L'Immeuble Yacoubian évoque la montée de l'Islam et la corruption politique dans l'Egypte moderne, c'est aux Etats-Unis que ses personnages entrecroisent leurs destins, sous le regard de l'Occident, dans Chicago. Sur fond d'une vision critique d'une Amérique décrite comme «raciste», ses personnages égyptiens, des étudiants, des professeurs, ne sont pas pour autant les «bons» confrontés aux «méchants» américains. «J'aime mes personnages pas les stéréotypes: ils m'échappent, et dans tous j'éprouve des contradictions, les êtres humains sont les mêmes des deux côtés», enchaîne cet admirateur de Balzac, Hemingway et Laurence Durrell. Aswani décrit aussi les affres amoureux et sexuels d'une étudiante voilée, originaire d'un village du Delta. «Les fanatiques m'ont inondé d'insultes: un lecteur sur dix, je me dis que c'est peu», Selon son nouvel éditeur, Dar al-Chorouk, Chicago a raflé, en un mois déjà, un fort succès dans un pays de 72 millions d'habitants où le tirage d'un roman dépasse rarement 2500 exemplaires. L'auteur de L'Immeuble Yakoubian, veut, à travers son nouveau roman, faire éclater des stéréotypes d'Orient et d'Occident. Ceci n'est pas sans rappeler un autre auteur controversé arabe, bien de chez nous, à la plume acerbe et tranchante, même s'il évolue sous d'autres cieux, Yasmina Khadra qui, dans des derniers romans, L'Attentat et Les Sirènes de Baghdad, pour ne citer que ceux-là, s'attache à casser les stéréotypes par souci d'être tout simplement «juste» selon les termes de Khadra. «De mes livres sortent des bombes, et les tabous volent en éclats dans les vies sur papier», affirme Aswani qui sépare son oeuvre «sans message» et son engagement politique de gauche contre le régime Moubarak. Phénomène littéraire, le Yacoubian s'est vendu en 5 ans à 200.000 exemplaires dans le monde arabe, et plus en Europe sur un an, dont 130.000 en France et 80.000 en Italie. Traduit en 16 langues, il a été adapté pour un film à succès. «Quelle misère de pensée, exploitée par le pouvoir mais aussi quel business!», s'exclame Alaâ al-Aswani, pour qui «le wahhabisme, ce fondamentalisme venu d'Arabie Saoudite, c'est la nouvelle plaie de l'Egypte, loin de notre tolérance». Après ses études au Caire, pétri de culture française, il poursuivit lui-même sa formation de dentiste à l'université de l'Illinois, Chicago, «un microcosme cosmopolite que j'ai quitté pour écrire dans mon pays et dans ma langue». «Si je critique radicalement Israël, ce n'est pas contre les juifs: les Israéliens seraient Hindous, cela serait pareil; si je dénonce l'Arabie saoudite, ce n'est pas contre les musulmans, je le suis», ajoute-t-il. Membre de «Kefaya», un mouvement d'opposition «symbole», il ne manque pas de railler dans Chicago, sans le nommer, le président Hosni Moubarak qui «joue double jeu avec les islamistes». Ainsi, tout passe pour cet écrivain qui n'a pas froid aux yeux. A 50 ans, devenu célèbre à l'étranger, intouchable en Egypte, il n'entend plus désormais s'arrêter d'écrire, ni d'être dentiste: «Je soigne des dents, et surtout des gens; ils me le rendent bien pour mes romans».