Beaucoup de sociétés usent de manœuvres frauduleuses pour soit surfacturer leurs importations dans le but de transférer des devises vers l'étranger. Les services des Douanes viennent de bloquer quelque 600 kg de matière première périmée importée par le laboratoire suisse Sandoz pour laquelle près d'un demi-million de dollars ont été transférés. La société Saipem, pour sa part, a été épinglée par l'administration douanière pour «manœuvres frauduleuses de minoration de valeur». Une authentification des factures est en cours. Après l'affaire de surfacturation des produits importés par Sanofi Aventis Algérie, c'est au tour du laboratoire suisse Sandoz et de l'entreprise italienne Saipem d'être soupçonnés de fausses déclarations sur la valeur à l'importation. Le premier à avoir été épinglé est Sandoz ; lors du contrôle physique d'un colis contenant près de 600 kg de matière première, les douaniers ont découvert que la date de péremption avait expiré plus de trois mois avant l'enregistrement de la déclaration en douane, faite vers la fin de l'année 2011. Selon nos sources, près de 500 000 dollars ont été transférés par le laboratoire pour cette opération d'importation. Les services des Douanes ont procédé à la saisie de la marchandise et établi un procès-verbal d'infraction à la loi sur le contrôle des changes et le transfert de capitaux vers l'étranger. Une plainte a été déposée auprès du parquet d'El Harrach, près la cour d'Alger et, déjà, des sources judiciaires affirment qu'«en plus du délit de transfert illicite de capitaux, le laboratoire suisse risque l'inculpation de blanchiment d'argent à travers l'opération d'importation». Il est cependant important de préciser que la matière première périmée importée est un produit chimique très dangereux pour l'environnement, qu'il soit stocké ou détruit. S'il n'est pas réexporté par le laboratoire, le coût de sa destruction sera lourd à supporter. En tout état de cause, alors que l'affaire Sandoz n'est pas encore close, les services des Douanes ont procédé, au service fret de l'aéroport d'Alger, au blocage du dédouanement d'une machine industrielle importée par la société Saipem. Cette machine avait été exportée, quelques mois plus tôt, pour «réparation» à l'étranger. Dans un courrier daté du 12 avril 2012, le directeur régional a informé son premier responsable des «manœuvres frauduleuses» qu'aurait déployées Saipem, constatées à travers les «nombreuses anomalies» par l'inspecteur vérificateur. Le directeur explique que «lors du traitement de la déclaration de réimportation suite à l'exportation temporaire» souscrite auprès du bureau du fret de l'aéroport Houari Boumediène, l'inspecteur vérificateur avait constaté que «l'autorisation d'exportation temporaire a été accordée avec paiement, devant, par conséquence, satisfaire à l'obligation de domiciliation, alors que l'opération de réimportation a été effectuée sans paiement et, partant, la facture produite à l'appui du dossier de dédouanement, d'un montant de 5 312,33 dollars n'est pas domiciliée». Il ajoute que «le contrôle physique de la marchandise a permis de découvrir, à l'intérieur des colis, une deuxième facture d'un prix FOB de 5 312 325,35 dollars, reprenant les mêmes références que celles jointes au dossier de dédouanement». De ce fait, a conclu le responsable, «le service a soupçonné une minoration flagrante de la valeur déclarée représentant le coût de la réparation». Compte tenu de ce qui précède et après avoir bloqué, dans un premier temps, la machine, l'administration douanière a décidé, après plusieurs semaines de tractations, de faire signer un engagement à la société Saipem permettant à celle-ci de prendre possession de son équipement et aux services (des Douanes) de procéder aux authentifications des factures auprès des fournisseurs. D'après nos sources, dans de nombreux cas similaires, les douaniers appliquent sans réserve les dispositions du code des Douanes, notamment ses articles 320 et 325 qui imposent le paiement d'un montant estimé à quatre fois la valeur du corps du délit (le montant mentionné sur la facture moins celui déclaré) et la saisie de la marchandise (ou alors le paiement de sa valeur). Quelle sera la suite à donner à ce dossier ? On n'en sait rien. Ce qui est certain, c'est que des pressions énormes ont été exercées pour libérer la marchandise avant l'authentification des factures. Force est de constater que beaucoup de sociétés usent de manœuvres frauduleuses pour soit surfacturer leurs importations dans le but de transférer des devises vers l'étranger, soit les minorer pour échanger la partie non déclarée sur le marché parallèle. Malheureusement, ces pratiques ne sont plus l'apanage de quelques opérateurs indélicats ; elles sont de plus en plus utilisées, y compris par de grandes sociétés qui ont un label à préserver, à commencer par les laboratoires pharmaceutiques étrangers et certaines multinationales. Questions : les services des Douanes ont-ils les moyens et surtout les coudées franches pour s'attaquer à ce courant de fraude ? Est-ce que la Banque d'Algérie, habituellement si prompte à inscrire les petits importateurs algériens indélicats sur la liste des opérateurs frauduleux, fera de même à l'encontre des «grosses pointures» de l'importation ?