En décidant d'opter pour une fusion entre les deux groupes Gaz de France (GDF) et Suez contre l'OPA d'un groupe industriel italien, le gouvernement français donne ainsi raison à la partie italienne qui l'a accusé de pratiquer une politique protectionniste contraire aux règles du libre marché. La neutralité à laquelle les Italiens ont appelé leurs homologues français n'a donc pas été respectée pour la simple raison que le secteur de l'énergie est si stratégique qu'une OPA hostile d'un groupe étranger ne saurait être tolérée. Encouragée par le gouvernement français face à toute OPA hostile, la fusion entre les deux groupes, GDF et Suez, est ainsi programmée pour le deuxième semestre 2006. C'est ce qu'ont annoncé hier les deux groupes qui ont rendu public un communiqué de presse conjoint dans lequel ils parlent de la « naissance d'un leader mondial de l'énergie et de l'environnement ». Cette fusion, faut-il le rappeler, a été décidée par le gouvernement et annoncée samedi dernier par le Premier ministre Dominique de Villepin pour faire barrage à l'OPA du leader italien de l'électricité Enel sur Suez pour s'emparer d'Electrabel, filiale belge du groupe français. Samedi, peu avant l'annonce de la fusion entre GDF et Suez, qui rend plus difficile une éventuelle OPA d'Enel sur Electrabel, le groupe italien avait réaffirmé dans un communiqué son intérêt pour le groupe d'électricité belge. « Enel confirme que, dans sa stratégie d'expansion au niveau européen, toutes les opportunités de croissance sont examinées et plusieurs dossiers sont à l'étude, parmi lesquels l'Espagne, la France et l'Europe de l'Est », affirmait Enel dans le communiqué, avant d'ajouter que « Electrabel fait partie de ces dossiers ». La fusion annoncée entre les deux groupes français met ainsi fin aux ambitions du groupe italien. La réaction du gouvernement italien ne s'est pas fait attendre. Après l'annonce de la fusion, le ministre italien de l'Economie, Giulio Tremonti, a demandé en effet que « cesse la course des Etats européens pour construire des barrières de protection », et d'ajouter qu'« il est encore temps pour que cesse la course des Etats européens pour construire des barrières de protection ». « Si les choses se poursuivent ainsi, les facteurs de risques augmenteront », a-t-il affirmé. De son côté, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi avait réclamé à la France la même neutralité en cas d'OPA d'Enel sur Suez que celle dont a fait preuve Rome dans l'OPA lancée par la banque française BNP Paribas sur l'italienne BNL. Il convient de préciser par ailleurs que la fusion entre les deux groupes français doit attendre la modification d'une loi datant du 9 août 2004, afin de permettre une modification du seuil de détention de l'Etat au sein de GDF. Cette loi interdit actuellement à l'Etat de descendre sous les 70% dans le capital de ce groupe public. Après la fusion, la part directe de l'Etat dans le nouveau groupe sera comprise entre 34 et 35%, soit au-dessus de « la minorité de blocage ». Avec ses « participations indirectes », la part devrait « globalement être légèrement inférieure à 40% », a indiqué hier Thierry Breton, ministre français de l'Economie et des Finances, sur la radio RTL. Le but recherché à travers cette fusion, lit-on dans le communiqué conjoint des deux sociétés, est de créer un nouveau groupe « fort d'un chiffre d'affaires de 64 milliards d'euros, figurant dans les tout premiers rangs des acteurs européens de l'énergie et de l'environnement ».