Les autorités françaises mettaient au point, lundi, les modalités de la fusion entre Gaz de France (GDF) et Suez destinée à créer un géant européen de l'énergie, une opération surprise qui a suscité la colère en Italie et l'inquiétude en Belgique. Cette opération, qui doit être finalisée au cours du deuxième semestre 2006, a été annoncée le week-end dernier par le Premier ministre Dominique de Villepin pour barrer la route au groupe italien d'électricité Enel qui s'était déclaré intéressé quelques jours plus tôt par un rachat de Suez. Le ministre français des Finances, Thierry Breton, a indiqué, lundi, que la création de la nouvelle entité se ferait par « fusion absorption » du groupe d'énergie et d'environnement privé Suez par GDF, détenu à 80% par l'Etat. Le nouveau groupe, fort d'un chiffre d'affaires de 64 milliards d'euros et d'une capitalisation boursière de plus de 70 milliards d'euros, emploiera près de 200 000 personnes dans le monde. Il figurera dans les tout premiers rangs des acteurs européens de l'énergie, juste derrière un autre géant français du secteur, Electricité de France (EDF). Selon M. Breton, la part de l'Etat dans le nouvel ensemble sera comprise « entre 34% et 35% », soit la minorité de blocage nécessaire pour empêcher toute tentative de prise de contrôle hostile. L'initiative a été très mal vécue en Italie, l'alliance franco-française bloquant les projets d'expansion de son champion national, Enel, troisième groupe d'énergie sur le vieux continent en valeur boursière. Le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, a appelé la commission européenne à intervenir et a dépêché à Bruxelles son ministre de l'Economie, Giulio Tremonti. Le ministre italien de l'Industrie, Claudio Scajola, a dénoncé « une énorme violation du droit communautaire et du libre marché », évoquant une « action gravissime du gouvernement français ». Pas « d'indice de violation » La commission étudiera la décision française « avec détermination », a assuré un porte-parole de l'exécutif européen. Mais il a indiqué qu'il n'y avait pas à ce stade « d'indice de violation de la libre circulation des capitaux ». La Belgique suit également le dossier de très près, Suez étant la maison mère d'Electrabel, premier producteur d'électricité du royaume. Pour le quotidien bruxellois Le Soir, « le ministère belge de l'Energie sera à Paris », puisque l'Etat français sera « le premier actionnaire » du nouveau groupe et régnera donc par ricochet sur Electrabel. Le ministre belge des Finances, Didier Reynders, s'est dit favorable à l'opération, mais les Verts ont dénoncé l'attitude du gouvernement belge, « plus libérale que jamais dans un secteur qui n'a jamais été aussi stratégique ». « Tout ce qui concourt au renforcement de l'industrie française ne peut que bénéficier à l'ensemble de l'Europe », a plaidé, de son côté, le ministère français des Affaires étrangères. En France même, l'opération a été vivement critiquée du côté des syndicats, que le gouvernement va recevoir à tour de rôle pendant la semaine. La CGT, le syndicat le plus important en France, a dénoncé une décision prise dans la « précipitation » qui aboutira à la privatisation de Gaz de France, en dépit des promesses du gouvernement lors de la récente ouverture au privé du capital du groupe gazier. Le gouvernement devra d'ailleurs faire modifier une loi prévoyant que l'Etat doit conserver au moins 70% du capital de GDF. A la Bourse de Paris, GDF (en légèrement en hausse, à près de 30,00 euros) et Suez (environ -5%, aux alentours de 32 euros) voyaient leurs cours s'ajuster sur la parité retenue pour leur fusion, c'est-à-dire une action Suez pour une action GDF. R. E.