L'opinion publique a été surprise par un communiqué laconique de la Présidence informant du limogeage de six ministres élus à l'APN qui devaient réglementairement démissionner d'eux-mêmes du gouvernement. La cérémonie officielle d'installation de la nouvelle Assemblée populaire nationale (APN) aura lieu aujourd'hui. Au cours de cette première séance plénière au titre de la septième investiture législative, les députés éliront, après la validation de leur mandat, le président de la nouvelle APN. Une Assemblée dominée par le Front de libération nationale (FLN), et ce, en dépit de la révision à la baisse, par le Conseil constitutionnel, du nombre des sièges (moins 13) qu'il a obtenus aux législatives du 10 mai. Néanmoins, étant le premier vainqueur de cette élection, la présidence de l'APN lui revient de droit. Un poste convoité par plusieurs militants, mais qui, d'ores et déjà, a été attribué à une personnalité «appréciée» par l'entourage du chef de l'Etat. Il s'agit de Rachid Harraoubia. Ce nom est revenu avec insistance bien avant l'organisation du scrutin du 10 mai. Il n'en demeure pas moins que le dernier mot concernant le choix du quatrième homme de l'Etat revient en premier lieu au président de la République. Fait partie également des attributions exclusives du premier magistrat du pays, le limogeage de ministres et la composition d'un nouveau gouvernement. C'est dans ce cadre-là que le président de la République a mis fin, jeudi, aux fonctions des ministres élus députés et a décidé de faire assurer l'intérim des ministres concernés par d'autres membres du gouvernement. Cette décision, selon les observateurs, était attendue. Sans aucune surprise, puisque la nouvelle loi électorale et celle relative aux cas d'incompatibilité avec le mandat parlementaire leur interdisent le cumul de mandats électifs avec de hautes fonctions dans les institutions de l'Etat. La disposition existait déjà dans la loi organique portant régime électoral avant sa révision en novembre 2011. Elle a été confirmée par la loi organique du 12 janvier 2012, dans son article 3, ce texte stipule clairement que le «mandat parlementaire est incompatible avec l'exercice d'une fonction de membre de gouvernement». Mieux encore la loi fondamentale du pays interdit le cumul des fonctions. L'article 105 de la Constitution stipule que «le mandat du député et du membre du Conseil de la nation est national. Il est renouvelable et non cumulable avec d'autres mandat ou fonction». La surprise est dans le fait que ces ministres n'ont pas démissionné de leur propre chef. Etant donné que les six ministres ayant postulé à la députation n'ont pas respecté les lois de la République, il était évident que quelqu'un d'autre s'en charge, et c'est le chef de l'Etat qui les rappelle «sèchement» à l'ordre dans un communiqué laconique et sans aucun «remerciement». A défaut de démissionner de leur propre chef, ils se font démissionner : «Amar Ghoul, Rachid Harraoubia, Tayeb Louh, Amar Tou, Moussa Benhamadi et Cherif Rahmani ne peuvent pas cumuler le mandat de député et la fonction de ministre. Certes, le président de la République aurait pu demander aux six ministres de remettre leur démission au lieu de les éjecter de manière officielle, il ne l'a pas fait…», note une source parlementaire. Faut-il rappeler que les bonnes pratiques politiques veulent que tout le gouvernement parte dans les jours qui suivent la date du vote afin qu'un nouvel Exécutif, représentatif de la majorité issue des élections législatives, prenne ses fonctions. Mais ce n'est pas le cas en Algérie. Mieux encore, en 2007, les ministres-candidats n'avaient pas jugé utile de démissionner de leur poste. Le président de la République avait été, à l'époque, «plus indulgent», il ne les a pas limogés et a attendu la démission du gouvernement dans son ensemble. Apparemment, aujourd'hui, les ministres députés croyaient devoir attendre la même procédure, c'est-à-dire la démission de tout le gouvernement, mais «l'imprévisibilité» du Président fait qu'il revoie cette fois-ci sa stratégie. Toutefois, nos sources n'écartent pas l'éventualité de voir ces mêmes ministres reconduits dans le futur Exécutif. Un remaniement ministériel dépend étroitement de la nouvelle configuration de l'Assemblée. Selon nos sources, la nouvelle Assemblée et la distribution des rôles au niveau de l'ensemble de ses structures préfigurent de la nature du gouvernement et les alliances qui en découleront. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, présentera sa démission après l'installation de la nouvelle Assemblée et la désignation des vice- présidents. En ce moment, le chef de l'Etat peut rappeler à leur poste ou à d'autres fonctions les ministres députés comme il peut procéder à un remaniement partiel. «Le chef de l'Etat ne respecte pas les formes, il peut nommer un ministre technocrate, comme il peut reconduire Ahmed Ouyahia et l'ensemble de son équipe. Le Président a toute latitude de choisir qui il veut. Il peut faire appel à des personnes de l'intérieur ou de l'extérieur du sérail», affirme une source parlementaire. Pour les ministres chargés d'assurer l'intérim, il s'agit là d'un renouvellement de confiance en ces personnes, dit-on.