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A qui profitent les usines à rêves ?
L'Etat et l'argent des jeux de hasard
Publié dans El Watan le 20 - 02 - 2006

Qui ne voudrait pas gagner des millions ? Le chômage, la crise du logement et la stagnation des salaires sont autant de facteurs qui ont mené des Algériens sur le chemin des marchands de rêves. Un créneau qui semble juteux, dans lequel on sent parfois l'arnaque. Où va l'argent des joueurs ? Enquête.
Personne n'y croit, mais tout le monde coche. En ce samedi après-midi, dans l'une des agences du Pari sportif algérien (PSA), place du 1er Mai, c'est l'effervescence. La fièvre du jeu. La cagnotte du " Pro ", produit star du PSA, est à 4,7 milliards de centimes. " Une fortune, de quoi sortir de la boue ", nous dit Samir, 24 ans, dans la longue file du PSA. Certains se plaignent de ce que la machine du loto fait souvent sortir des combinaisons improbables. " C'est du khorti, de la triche ", fulmine-t-on. Cette méfiance ne les empêche pas de miser. Arrêter le jeu ? Non, jamais, nous dit-on. " Ne pas jouer au loto serait perdre une belle occasion de devenir riche.", lance Samir. Visiblement, les Algériens jouent très gros. D'après le guichetier de l'agence du 1er Mai, il y en a qui jouent jusqu'à 30 000 ou même 40 000 DA (surtout dans les grilles multiples). " Le nombre de joueurs est extrêmement corrélé à la somme en jeu ", nous explique-t-il. Dans la file d'attente pour la validation des grilles du “Pro”, on croise quasiment toutes les catégories de la société : des femmes, des vieux, des jeunes, des célibataires, des employés, des chômeurs, des cadres d'entreprise, des vieilles...Tous sont animés par le même rêve : devenir riche et surtout, disent ceux que nous avons interrogés, pouvoir acheter un appartement.
Les boules... aux œufs d'or
Jackpot ! Ce jour-là, un joueur originaire de Drâa Benkhedda avait coché les sept bons numéros, remportant ainsi le pactole de 4,7 milliards de centimes. Le directeur du Pari sportif algérien, M. Atif Sadi, en profite pour faire taire les sceptiques. " Vous voyez, affirme-t-il, chez nous, les gens gagnent ! " En 2005, renchérit M. Belabdelouahab, directeur des jeux au PSA, l'on a enregistré 15 gros gagnants au “Kora +”, ayant remporté entre 200 000 et un million de dinars, 14 gagnants au " Pic tout " (remportant un total de 3 millions de DA) ainsi que 7 gros gagnants à " l'horoscope ". Au loto, le PSA a distribué, l'année dernière, selon ses responsables, pas moins de 87 millions de dinars. " Nous avons recensé, durant l'année 2005, dans les jeux de cochage 8 joueurs qui ont gagné le gros lot (ils se sont partagé plus de 36 millions de dinars), 1166 joueurs ont obtenu les 5 bons numéros, se partageant ainsi 23 millions DA et 57 366 joueurs ont obtenu 4 numéros, remportant ainsi des petits montants qui ont coûté au PSA près de 28 millions DA ", certifie M. Rachidi, responsable de la communication du PSA. Au vu de ces chiffres, il apparaît que le Pari sportif algérien est une affaire qui tourne. Mais aux dires du directeur de l'entreprise, le business des jeux ne va pas aussi bien que ça. Le Pari sportif algérien a traversé ces derniers temps une mauvaise passe, probablement due à des problèmes de gestion. Le nouveau directeur du PSA se refuse à commenter les faux pas de son entreprise. " L'essentiel, pour nous, c'est que les affaires ont repris depuis la fin 2005. La crise que le PSA a traversée à partir de l'année 2001 est passée. Nous ne pouvons pas connaître avec exactitude les raisons de cette mauvaise passe mais nous pouvons dire aujourd'hui que les affaires du PSA vont beaucoup mieux. Les cadres de l'entreprise ont une nouvelle vision des choses, une nouvelle dynamique s'est mise en place et les résultats s'améliorent", assure M. Atif. Le chiffre d'affaires enregistré en 2005 est de l'ordre de 851 millions de dinars, bien loin des 869 millions d'euros de la Française des jeux. La plus grande partie des bénéfices du PSA provient du traditionnel loto (un chiffre d'affaires de 273 millions DA en 2005) ainsi que des jeux de grattage tels que le Kora + (101 millions DA) et l'horoscope (99 millions DA). Les gains du Pari sportif peuvent parfois être énormes. D'où vient l'argent, nous le savons. Où va l'argent ? Les avis divergent. Tandis qu'il se disait, du temps de Boumediène, que les jeux de hasard (Pari sportif et Société des courses) servaient de " caisse noire " de l'Etat, les choses semblent plus claires aujourd'hui. La loi instaurée dans les années 1990 stipule que 40% du chiffre d'affaires du PSA doit être versé au Fonds national de la promotion des initiatives de la jeunesse et la pratique sportive (FNPIJPS), 40% au gagnant (sauf s'il ne se manifeste pas dans un délai de 36 heures) et le reste au PSA. " Nous ne sommes la caisse noire de personne ", tranche le directeur du PSA. Il n'empêche que l'Etat algérien a toujours veillé à garder le monopole des jeux de hasard. D'après l'article 162 du code pénal, tous ceux qui tiennent une maison de jeux destinés à faire naître l'espérance d'un gain sont punis de trois mois à un an d'emprisonnement et d'une amende de 500 à 20 000 DA. Une clause qui a été respectée jusqu'à l'apparition d'un nouveau genre de jeux : les audiotels.
Le rêve au bout du fil
La technologie a ainsi fait prospérer les usines à rêves. Il existe aujourd'hui près de 75 entreprises d'audiotel qui proposent, en plus de sonneries et logos, de gagner des cadeaux et même de devenir riche. Selon la loi, ce commerce est illégal. Mais les entreprises ne sont nullement inquiétées car, au fond, la plus grande partie de l'argent récolté rentre dans les caisses de l'Etat. Certes, la prolifération des audiotels avait, au départ, fait grincer des dents le PSA mais un terrain d'entente a été rapidement trouvé. L'accord conclu entre les entreprises d'audiotel et l'Autorité de régulation de la poste et télécommunication (ARPT) fut alors de diviser les gains entre Algérie télécom qui fournit le réseau téléphonique contre 67% du chiffre d'affaires, le PSA (10%), l'Office national des droits d'auteur pour les logos et sonneries (10%), les opérateurs téléphoniques (Djezzy et Nedjma) et le reste pour l'entreprise d'audiotel. Cet accord a cependant été chamboulé par la nouvelle loi de Finances qui a institué, au profit du budget de l'Etat, un prélèvement de 40% sur le montant des recettes qui devra être reversé dans les vingt premiers jours du mois à la recette des impôts. Le choix du taux de 40% du chiffre d'affaires est motivé, souligne-t-on, par l'alignement de l'imposition de ces revenus avec celle du Pari sportif algérien. De nombreuses entreprises, qui ne souhaitent pas être citées, contestent la nouvelle loi. " Si l'on compte les prix qui sont mis en jeu, il ne reste plus rien ", affirme un directeur d'audiotel, dépité. Même l'ENTV trouve le cahier des charges des entreprises d'audiotel trop contraignant. " Dans les pays voisins, l'opérateur fournisseur du réseau téléphonique ne prend pas 67%. En Tunisie, il ne touche que 25% et au Maroc 38%. Nous avons demandé à l'ARPT de revoir la quote-part d'Algérie télécom. En vain. Si cette situation persiste, nous pensons arrêter les jeux et concours. Ce n'est pas une activité rentable ", estime M. Saoudi, directeur commercial à l'ENTV. A ses yeux, cette situation est d'autant plus illogique que les 67% ne reflètent pas l'effort fourni par Algérie télécom. " Il faut que chacun gagne sa croûte équitablement. Les choses doivent être logiques ", estime-t-il. La Télévision algérienne travaille actuellement avec quatre entreprises d'audiotel. Le directeur commercial de l'ENTV assure que les concours d'audiotel ne sont pas à but lucratif. Ils sont destinés, d'après lui, à créer une " interactivité " et divertir les téléspectateurs algériens. Mais ils représentent tout de même 8 à 10% du chiffre d'affaires de l'ENTV. C'est que le marché des jeux rapporte beaucoup d'argent. La Télévision algérienne a enregistré jusqu'à 69 000 appels par jour (près de 80 DA l'appel). " C'était surtout dans les tout premiers spots. Maintenant ça a baissé. Le nombre d'appel varie entre 200 et 10 000 ", estime la responsable des jeux à l'ENTV.
Est-ce une arnaque ?
Beaucoup d'entreprises d'audiotel tiennent quand même à faire bonne figure. " Il n'y a pas de problèmes de notre côté. Algérie télécom et l'ARPT nous ont facilité le travail ", insiste Mme Bachira Sid, responsable clientèle dans l'entreprise Cyber Call, apportant ainsi un nouveau son de cloche. L'entreprise, assure-t-elle, ne fait pas dans la duperie. " Les gens qui n'ont pas gagné pensent systématiquement que c'est une arnaque. C'est faux. Nous avons un siège, nous avons signé un cahier des charges, on n'est pas là pour arnaquer les gens, bien au contraire. Les Algériens ne croient pas au père Noël, il faut gagner leur confiance ", assène-t-elle. Elle ajoute : "Jusqu'à aujourd'hui, nous avons offert 25 véhicules, 3 séjours à l'étranger, 60 téléphones portables et 33 millions de dinars. Nous avons réalisé beaucoup de rêves ", indique-t-elle avec un charmant sourire. Il y aurait ainsi, selon notre interlocutrice, des milliers de gagnants issus de diverses franges de la société (professeur d'université, commerçant, femme au foyer, étudiant, fonctionnaire, femme de ménage...). " Une fois, un jeune nous a appelé pour savoir s'il était vrai que les cadeaux étaient distribués. Il a visité notre siège, nous lui avons enjoint de participer à notre concours et il a gagné ", s'enthousiasme Mme Sid. Une autre fois, raconte-t-elle, un jeune Constantinois qui venait de perdre ses jambes dans un tragique accident de train s'est mis, pour tromper l'ennui, à jouer au concours Cyber call de culture générale (proposant à celui qui obtenait le plus gros score de repartir avec une voiture chaque semaine). En six semaines, il a gagné, d'après Bachira Sid, 5 voitures ! Elle n'a, cependant, pas donné suite à notre demande de rencontrer les gagnants. Une chose est certaine : l'engouement des Algériens pour les jeux va crescendo. Des entreprises privées comme Djezzy l'ont bien compris. Pour fidéliser leur clientèle, elle leur propose rien de moins que de " devenir millionnaire ". La course aux millions bat son plein. Mais au final, le grand gagnant c'est l'Etat.


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