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Le logement sera-t-il accessible pour les Algériens en 2009 ?
L'optimisme des uns et le scepticisme des autres
Publié dans La Tribune le 31 - 12 - 2008


Photo : S. Zoheïr
Par Abderrahmane Semmar
Le logement sera, sans conteste, parmi les plus importantes préoccupations des Algériens en 2009. Il faut dire que la crise de logement empoisonne la vie de nos concitoyens depuis l'indépendance. Pour de nombreux observateurs, tous les gouvernements successifs ont échoué à répondre à toutes les attentes exprimées sur ce dossier. De la colonisation, la démographie galopante, en passant par la dette extérieure, ou encore la «décennie noire», les Algériens ont entendu toutes sortes d'arguments de la part de leurs
gouvernants pour expliquer leur échec à résoudre cette crise lancinante du logement.
Touchant les quartiers défavorisés, notamment des grandes villes, cette situation alimente le mécontentement des populations, poussant à maintes reprises les jeunes à la révolte et à l'écoute de certains cercles malveillants, toujours à l'affût pour exploiter cette grogne et s'en servir pour renforcer les extrémismes, le terrorisme et le sentiment de haine. Alors, qu'en sera-t-il en 2009 ?
Le logement incarnera-t-il toujours le cauchemar des Algériens, notamment des plus jeunes ?
L'optimisme et l'assurance du gouvernement
Sur ce registre, le chef du gouvernement, le désormais Premier ministre, n'hésite pas, quant à lui, à afficher son optimisme et adopte un ton des plus rassurants. Pour preuve, selon lui, «l'Algérie viendrait à bout de la crise du logement d'ici à 2010». Arguant que l'Algérie avait réalisé 700 000 logements durant les 5 dernières années, ajoutant à cela le programme présidentiel de plus d'un million de logements, le gouvernement estime que le pays a toutes les chances de son côté pour voir, enfin, cette crise tirer à sa fin.
La dernière sortie médiatique du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Nourredine Moussa, va également dans ce sens. En effet, le ministre a réitéré dernièrement l'engagement des pouvoirs publics à livrer, dans les délais, le programme prévu de 1 million de logements. «Nous avons beaucoup de latitude pour les achever avant avril 2009», a-t-il indiqué récemment à ce propos.
Tout en soulignant que le programme connaît une progression qui a atteint les 60%, Nourredine Moussa a expliqué à nos citoyens qu'entre janvier 2004 et juin 2008, 700 000 unités ont été livrées, dont 93 000 réceptionnées au cours du 1er semestre 2008.
Pour 2009, les prévisions tablent sur un lot livrable de 250 000 habitations.
En dépit des contraintes rencontrées au début, le ministre de l'Habitat considère que les choses sont rentrées dans l'ordre. De son côté, Mohamed Khebache, directeur général de l'AADL, se montre également rassurant pour l'année 2009. A cet égard, il a annoncé, en novembre dernier, dans un entretien accordé à notre confrère El Watan que «tout le monde aura son logement en 2009».
«Pour ce qui est du programme des 55 000 logements location-vente que gère l'AADL, il y a lieu de savoir que 36 000 logements ont été livrés cette année. Vers la fin du mois de janvier prochain, nous comptons livrer 5 000 logements, soit un total de 41 000 logements. Le reste, soit 14 000 logements, sera livré comme prévu d'ici la fin de l'année 2009. A noter que les intempéries qui se sont succédé durant cet automne ont créé une petite perturbation dans la cadence de certains chantiers», a déclaré aussi le responsable de l'AADL dans les colonnes de Liberté. En abordant le programme location-vente qui a suscité de vives préoccupations parmi les souscripteurs, Mohamed Khebache a reconnu que «des sites ont enregistré des retards dans la livraison, et [que] des problèmes ont créé des tensions».
Et de poursuivre : «Pour ce qui est du retard que le programme a accusé, mes prédécesseurs, la tutelle et moi-même avions eu l'occasion de fournir les explications y afférentes, à savoir la mauvaise qualité des terrains mis à notre disposition [sol, topographie…], et je citerai, à titre d'exemple, les terrains de Bab Ezzouar 1 et 2 où nous avons été contraints de réaliser environ 3 000 pieux de 20 mètres de profondeur en moyenne, ce qui demande beaucoup de travail et de temps.»
Quant aux postulants qui ont payé depuis 2001 et 2002 mais qui n'ont toujours pas eu leur appartement, Mohamed Khebache rassure tout le monde, et a promis aux 25 400 personnes au niveau d'Alger et aux 55 000 au niveau national qui ont versé leur apport initial, que leurs «logements les attendent». «C'est juste une question de livraison. Même les chantiers qui étaient à l'arrêt ont été relancés avec de bonnes entreprises. Rassurez-vous, d'ici la fin 2009, tout le monde aura son logement», a-t-il précisé sans montrer le moindre signe d'inquiétude.
L'habitat précaire : encore du pain sur la planche
Il faut dire qu'il est impossible de parler de logement en Algérie sans aborder forcément la problématique de l'habitat précaire qui sert de refuge à des milliers de nos concitoyens. «Le taux de l'habitat précaire en Algérie est de 8%. C'est peu par rapport à d'autres pays, mais pour nous, ce chiffre est très important. Pour cela, un programme de 21 000 logements a été initié depuis 2007 pour faire face au problème», a affirmé, il y a quelques semaines, Nourredine Moussa, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme. S'agissant des vieilles constructions ou de celles menaçant ruine, le ministre a affirmé que les autorités ont consacré 840 millions de dinars à des opérations d'expertise avant de procéder à la restauration.
Mais cela suffira-t-il réellement pour empêcher la prolifération de l'habitat précaire qui, de l'aveu même de plusieurs experts, est un facteur de la dégradation du cadre de vie (atmosphère viciée à l'intérieur et à l'extérieur de l'habitat, prolifération des déchets solides, réseaux d'alimentation en eau potable et assainissement inexistants ou inadaptés, etc.) et un grand danger pour la santé publique ? Rien n'est moins sûr surtout lorsqu'on sait que les constructions illicites ou anarchiques sont un mode d'occupation de l'espace de plus en plus privilégié par nos citoyens en quête de logement et en pleine explosion démographique. Il faut dire également qu'avec un taux d'urbanisation passé de 40% en 1977 à 50% en 1987, puis 60% en 1998 (Rapport sur l'état de l'environnement 2000), la prolifération des quartiers anarchiques et précaires n'est pas près de s'arrêter. Dans ces conditions, selon plusieurs enquêtes menées sur le habitat, les conditions d'approvisionnement et d'utilisation de l'eau de consommation, le rejet des eaux usées, le niveau d'instruction des populations, leurs conditions sociales, culturelles et celles de l'habitat constituent dans leur ensemble des facteurs socio-économiques pouvant favoriser la transmission des maladies infectieuses et surtout celles d'origine hydrique qui menacent sérieusement la vie des citoyens vivant dans des logements précaires. Ainsi, en 2009, les «gourbis» et les bidonvilles planteront, malheureusement, encore leur décor hideux au sein des grandes villes du pays.
Des prix toujours élevés
Cher, trop cher. Le logement est-t-il condamné à demeurer un luxe pour les Algériens ? Toutes les prévisions s'accordent à dire que cette amère réalité touchera encore de plein fouet nos concitoyens dont l'unique rêve est de se loger un jour.
Pour rappel, les dernières statistiques ont démontré que huit Algériens sur dix en quête d'un toit ne peuvent se permettre le luxe de louer un appartement.
Le manque de moyens et la cherté de l'immobilier en sont les principales causes. C'est donc près de 80% des Algériens qui ne peuvent pas louer un bien immobilier en passant par les agences immobilières.
A cela, il faut ajouter l'inexistence d'une réglementation à même de protéger les locataires de l'arnaque.
Par ailleurs, la hausse des prix des matériaux de construction en Algérie, notamment ceux du ciment et du rond à béton, ne sera certainement pas sans conséquence sur le rythme des réalisations des différents programmes de construction de logements, en faisant endosser aux entreprises des surcoûts assez importants, chamboulant de manière radicale leur plan de travail et, surtout, affectant
sensiblement leurs finances.
Sur un autre plan, il n'y a pas longtemps une étude de la Banque mondiale, constituant une analyse comparative d'indicateurs de performance et de politique du secteur du logement dans huit pays de la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord) : l'Algérie, l'Egypte, l'Iran, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Tunisie et le Yémen, a tiré la sonnette d'alarme sur ce phénomène que les pouvoirs publics n'ont jamais pris par les cornes. «Le prix du logement est extrêmement élevé en Algérie», souligne-t-on. «Plus précisément, les prix du logement sont de loin supérieurs aux niveaux auxquels on pourrait s'attendre par rapport au niveau de revenus», indique-t-on encore.
D'un autre côté, une analyse plus détaillée des informations qualitatives recueillies pour l'étude confirme qu'il existe un excès de l'offre pour les groupes à revenus supérieurs et moyens supérieurs, et une insuffisance de l'offre pour les segments à revenus plus faibles notamment en Algérie. «Cette situation est essentiellement la conséquence de politiques du logement et foncière qui entravent le fonctionnement des marchés du logement», conclut-on. A la lumière de toutes ces données, on est, enfin, très tenté de dire que l'espoir est difficilement permis pour cette nouvelle année 2009. L'Algérien doit dès lors prendre son mal en patience en espérant que l'aide au logement sera un jour beaucoup mieux gérée qu'elle ne l'est aujourd'hui…


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