Sélectionneur ayant hissé le Mali sur le podium de la dernière Coupe d'Afrique des nations (3e place), Alain Giresse a refusé le renouvellement de son contrat avec la Fédération malienne de football. A deux semaines du match décisif de Bamako face à l'Algérie (le 9 juin), l'ex-meneur des Girondins de Bordeaux explique les raisons de cet imbroglio. -Beaucoup d'observateurs ont été surpris que vous ne prolongiez pas votre contrat à la tête des Aigles du Mali. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ? Je suis le premier à en être surpris. Ce n'est pas ce que j'avais prévu. On m'a proposé des contraintes et des diminutions de prérogatives. J'étais très étonné, car il y a un contrat qui existe. Il vaut ce qu'il vaut, mais il était bonifié par les résultats. Il me semblait normal qu'on améliore et qu'on continue. C'est le contraire qui s'est produit. Par rapport aux joueurs et à moi, c'était inacceptable. Il fallait garder le fonctionnement tel qu'ils le connaissaient. Je ne peux pas vivre dans le compromis. -En dépit de votre bonne CAN, la Fédération malienne de football a quand même voulu changer les conditions de ce contrat... Je suis au stade des interrogations. Je n'ai pas la réponse. Pourquoi proposer aussi tardivement, le 7 mai, les premières discussions ? On offre un contrat à cette date pour le 31 mai si on ne le change pas. Mais quand tout d'un coup on part sur des modifications, il faut comprendre que cela nécessite des discussions. -Quelles étaient les conditions qu'ils souhaitaient vous imposer ? Ils voulaient que ma liste soit validée par la fédération, que le staff médical ne soit plus sous mon autorité, que la question des défraiements téléphoniques soit remise en cause. Je précise que j'ai 6 mois de retard dans le paiement des frais de téléphone. On est tombé dans la mesquinerie. Après, il y a eu des concessions forcées qui sont arrivées. Si on propose un contrat de ce type, c'est qu'il y avait des réticences quant à l'envie de me prolonger. Je ne fonctionne pas de la sorte. Je ne suis pas un mercenaire. J'aime bien m'installer et travailler quand je suis dans un pays. Je l'ai fait quatre ans au Gabon. Pendant deux ans, je me suis beaucoup investi au Mali pour faire cette équipe. Je suis triste et déçu pour les joueurs, pour ce que l'on a vécu et pour ce qu'il reste à faire. -C'est assez paradoxal, car vous auriez dû ressortir renforcé après votre CAN réussie... Le paradoxe, je le constate, mais je ne le manie pas. J'ai été confronté à cette situation. Je ne peux que le déplorer. On est en plein dans l'irrationnel ! -Initialement, quand vous aviez signé votre premier contrat, aviez-vous eu des garanties que la fédération ne s'immisce pas dans vos prérogatives ? Dans le premier contrat, tout ce que je vous ai cité n'était pas écrit. On m'a présenté un nouveau contrat avec tous ces éléments. Sur le fond, après tout ce que nous avions fait, il n'y avait aucune raison de le modifier. Par ailleurs, quand on discute un premier contrat les deux parties ne se connaissent pas. Mais au bout de deux ans, les discussions d'un autre contrat ne peuvent pas être les mêmes, car on se connaît. -Le contrat était-il satisfaisant pour vous ? Le premier contrat oui. Ils ont évoqué le staff médical en disant qu'il était européen. Mais je ne l'ai pas imposé. On m'a dit qu'il fallait qu'il y ait un staff médical car le Mali avait vécu beaucoup de problèmes, sur ce plan-là, en Angola. J'ai donc pris acte. Ensuite, on me dit qu'il n'est plus nécessaire. Le souci, c'est que les joueurs ont pris leurs habitudes. Il était difficile de descendre en dessous de ce mode de fonctionnement. -Comment les joueurs ont-ils réagi à votre départ ? Avec des regrets. Ils ne comprennent pas et se posent les mêmes questions que vous. Vous imaginez que si on a fait une telle CAN, c'est que les relations étaient respectueuses. Ce n'était pas de l'amitié. Ils reconnaissaient l'investissement que j'avais pour eux. J'ai beaucoup apprécié ce qu'ils ont fait. C'est la partie la plus délicate et la plus sensible pour moi. Stéphen Keshi avait déjà pointé, quand il était en poste, les ingérences externes. Cela prouve que la fédération n'a pas retenu la leçon... Cela prouve que la fédération voit les choses comme elle doit les imposer. Je crois qu'ils se trompent. -La fédération a-t-elle changé depuis votre premier contrat ? Il y a eu du changement puisque les personnes avec lesquelles j'ai discuté n'étaient plus les mêmes. -Cette décision, qui intervient à un mois du match capital face l'Algérie, est-elle de nature à fragiliser le groupe ? Quand j'ai évoqué cela, on m'a répondu que ce n'était pas grave. C'est étonnant ! -Ce match devrait se jouer finalement à Bamako. Comment le voyez-vous ? Mon non-renouvellement masque beaucoup de choses. J'avais préparé et observé l'Algérie face à la Gambie. Là, je ne peux plus, je n'ai plus le goût. Je ne peux pas me projeter là-dessus. Les derniers événements m'ont trop éloigné de ce match. -Le Mali pouvait paraître favori sur ce match. Est-ce toujours le cas ? Je ne sais pas. On pouvait penser que sur le terrain cela se jouerait entre l'Algérie et le Mali. Je me suis arrêté de me poser des questions quant au fonctionnement du Mali. C'est terminé ! Je ne garde que des relations amicales et de soutien avec les joueurs. -Vous n'avez plus la tête au Mali... Non, mais j'ai encore le cœur au Mali.