Les lignes de clivage entre les deux camps qui s'opposent au sein du parti sont telles qu'il est difficile d'imaginer un dénouement sans dégâts. Participation très controversée aux législatives du 10 mai, large contestation des choix de candidats à la députation, menace d'exclusion contre des militants et cadres du parti et accusation de sa direction de compromission avec le pouvoir. Des attaques et contre-attaques au vitriol. Plus que jamais, le FFS vit une des crises les plus aiguës de son histoire. Après 50 ans d'opposition radicale au régime, la question de son devenir est sérieusement posée. Le FFS qui, depuis sa création, est resté sur une ligne d'opposition à l'égard du pouvoir politique, est vertement accusé de compromission. Des cadres, et pas des moindres, dénoncent un «deal» concocté entre l'appareil du parti avec des cercles du pouvoir. «Personne dans le parti n'assume publiquement une telle accusation», répond le premier secrétaire national du parti, Ali Laskri. Dans les médias pourtant, des cadres s'expriment pour l'«assumer publiquement». Le bras de fer est en train d'atteindre un point de non-retour. La crise, qui couve au sein du parti depuis des années, a refait surface et de manière violente dès l'annonce de la participation aux législatives du 10 mai. Un choix qui a dérouté de nombreux cadres et militants du FFS. Si certains se sont pliés à la discipline «exigée», d'autres ont publiquement exprimé leur désaccord. Le choix des candidatures à la députation, sensible par définition, a encore exacerbé les divergences. En pleine campagne électorale, pas moins de 150 cadres et militants avaient attiré l'attention du président du parti, Hocine Aït Ahmed, sur «un risque de normalisation qui pèse sur le FFS». Dans une lettre qui lui a été adressée le 28 avril dernier, les rédacteurs ont clairement signifié que les recommandations du président du parti «sont foulées aux pieds et que l'opportunité de remettre du mouvement dans le statu quo s'est rapidement évaporée. La démobilisation est sans précédent». Ils parlent «d'une mainmise sur le parti par une équipe à l'opposé de sa ligne stratégique qui vise à l'inscrire dans un processus de normalisation pour atteindre des objectifs inavoués». L'attitude – plutôt le silence – du parti après l'annonce des résultats des législatives en a dérouté plus d'un, alors que par le passé, le FFS ne ratait aucune occasion pour monter au front et vilipender les pratiques du pouvoir. Il est loin des poussées d'adrénaline habituelles du plus vieux parti d'opposition. Ali Laskri, qui avait pourtant promis une réaction ferme, s'est curieusement satisfait du verdict de l'institution de Tayeb Belaïz. La sortie de Hocine Aït Ahmed a été exclusivement consacrée aux questions internes, appelant à des sanctions «exemplaires» à l'encontre des cadres s'étant rendus coupables d'un travail de «sape et de sabotage» lors des législatives. Des têtes à couper. Cinq jours auparavant, le premier secrétaire fédéral de Béjaïa, Farid Khellaf, a été suspendu de son poste par Ali Laskri, prétextant son «inertie durant la campagne électorale». Un grief que rejette le concerné. «Je me suis investi pleinement dans la campagne. Ce qui est mis en cause est le fait que nous nous sommes élevés contre des pratiques antidémocratiques et un discours méconnaissable du parti», a regretté Farid Khellaf. Les membres du conseil fédéral de Béjaïa se sont opposés à la décision de la direction du parti en exigeant la réintégration de leur camarade. Fait inédit dans l'histoire du parti. D'autres cadres du parti, en rupture de ban avec la direction, redoutent eux aussi «des châtiments exemplaires». L'ancien premier secrétaire national, Karim Tabbou, est dans le collimateur de l'appareil du parti. Cependant, la riposte s'organise. Des sources font état de concertations entre de nombreux militants et autres cadres pour «préserver l'autonomie du FFS». Dans un entretien à El Watan, Ali Laskri avertit que «le secrétariat national ne se laissera pas détourner de l'essentiel, à savoir la mise en place du dispositif du parti pour la prochaine étape politique à travers tout le territoire national». Entrée au gouvernement : rumeur ou option sérieuse ? De l'avis d'observateurs de la scène politique nationale, le champ sémantique du FFS a remarquablement «évolué» en abandonnant la tonalité radicale de son discours traditionnel. Durant la campagne électorale, il a adopté une grille d'analyse selon laquelle le pays est guetté par une menace extérieure, que seule une participation massive aux élections pourrait «éviter à l'Algérie une catastrophe». En reprenant à son compte des éléments du langage officiel, le FFS ne présageait-il pas d'un changement de cap stratégique ? Intégrer le futur gouvernement, option plausible ou simple intox ? Officiellement, le parti n'assume pas publiquement un tel choix. Or, Ali Laskri ne ferme pas totalement la porte. «La participation à un gouvernement est à mettre en corrélation avec une volonté et des mesures politiques», répond le premier responsable du FFS. La question n'est plus un tabou, en somme. On spécule même sur le casting du FFS pour le prochain gouvernement. Les noms de Mohand Amokrane Chérifi et de Mostefa Bouchachi reviennent avec insistance. Mais au sein du parti, cette éventualité ne semble pas faire consensus. «Il n'est pas possible que le FFS fasse partie du gouvernement. Sinon, ce n'est plus un parti d'opposition», fulmine un poids lourd parmi les députés du parti, dont le nom est cité également comme probable ministrable. En somme, les lignes de clivage entre les deux camps qui s'opposent au sein du FFS sont telles qu'il est peu probable d'imaginer un dénouement sans dégâts. Une autre crise que le parti de l'historique Hocine Aït Ahmed risque de mal négocier.