L'ambassadeur allemand à l'ONU a souhaité, hier, que le massacre de Houla «ouvre les yeux» aux Russes et aux Chinois sur le régime d'Al Assad. Les Russes continuent à souffler le chaud et le froid (mais surtout le froid) s'agissant de la grave crise en Syrie. Après avoir déclaré haut et fort, par la voix de Serguei Lavrov, qu'ils ne soutenaient pas le régime de Damas, voilà qu'ils se désolent que les pays occidentaux aient pris de nouvelles sanctions diplomatiques contre le régime. Une déclaration qui a irrité au plus haut point l'opposition syrienne qui n'a pas hésité à accuser hier la Russie d'encourager le régime de Bachar Al Assad à commettre des «crimes sauvages». Et de crimes, 40 personnes au moins ont péri hier dans les combats entre l'armée «loyaliste» et les rebelles, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Un bilan qui s'ajoute aux 98 personnes tuées mardi, dont 13 exécutées sommairement. L'ambassadeur allemand, Peter Wittig, a souhaité hier que le massacre de Houla «ouvre les yeux» des alliés, comme la Russie et la Chine, du régime Al Assad, à l'ouverture d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Syrie. Le Japon et la Turquie ont emboîté le pas à de nombreux pays occidentaux en annonçant l'expulsion des diplomates syriens de leurs capitales respectives. Les autorités syriennes ont rétorqué en ordonnant le départ de la chargée d'affaires des Pays-Bas, l'une des dernières diplomates occidentales en poste à Damas. La Russie a regretté la mesure «contreproductive» prise par les Occidentaux car, a-t-elle dit, «les canaux importants d'influence sur le gouvernement syrien (...) sont désormais fermés». Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a critiqué la stratégie de Moscou qui, selon lui, «encourage» le régime à «commettre des crimes sauvages» et réclamé une résolution de l'ONU autorisant le recours à la force. «Une entente internationale pour un départ d'Al Assad est le seul moyen de sauver le plan Annan et de trouver une solution politique, faute de quoi la situation risque d'exploser et menacer toute la région», a estimé le CNS. Moscou a été très critiqué ces derniers mois pour avoir fait obstruction au Conseil de sécurité à des résolutions condamnant Damas. Le président français, François Hollande, qui reçoit vendredi son homologue russe Vladimir Poutine, a fait part de son ambition d'infléchir la position russe. Au lendemain de sa visite en Syrie, le médiateur international Kofi Annan, à l'origine d'un plan de paix globalement ignoré, a estimé qu'«une intensification des efforts internationaux est nécessaire pour (...) mettre fin aux violences». Afin d'augmenter «la pression économique sur le régime» syrien, les Etats-Unis ont annoncé agir de commun avec le Qatar pour fermer le système financier de leurs deux pays à une banque syrienne, la Syria International Islamic Bank, dans l'espoir de couper «une voie d'évasion financière de premier ordre». L'option armée incertaine Plusieurs pays, dont la France, ont relancé le débat sur une intervention militaire, tout en la conditionnant à un feu vert de l'ONU – une condition rédhibitoire, car Pékin et Moscou, qui disposent d'un droit de veto, ont réitéré leur opposition à une telle opération. Le Luxembourg a souligné que «la probabilité que les cinq puissances disposant d'un droit de veto s'entendent sur une intervention militaire est égale à zéro». Et l'Allemagne a dit ne voir aucune raison de «spéculer sur des options militaires». Lors de sa réunion hier, le Conseil de sécurité devait évoquer une éventuelle augmentation du nombre d'observateurs de l'ONU sur place (près de 300 actuellement) pour tenter de mettre en œuvre un cessez-le-feu entré en vigueur le 12 avril dans le cadre du plan Annan, mais quotidiennement violé. Le chef des observateurs, le général Robert Mood, s'est dit surtout «profondément perturbé» par la découverte de 13 corps mardi soir à Deir Ezzor (est). «Tous les corps avaient les mains liées derrière le dos et certains semblent avoir été tués d'une balle dans la tête à bout portant», écrit-il dans un communiqué, parlant d'un acte «épouvantable». Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui tiendra demain une session spéciale sur la situation en Syrie, pourrait prendre des mesures décisives pour stopper ce cycle infernal qui a fait plus de 13 000 morts en plus de 14 mois.