Il faut être d'une innocence angélique pour croire que le 10 mai pourrait constituer un prélude au renouveau politique si attendu de l'Algérie. L'observateur est tenté par le contraire. Le parapluie ouvert par les réformes politiques nous prive encore du beau ciel. L'espoir d'entamer le second cinquantenaire de l'Algérie indépendante dans une atmosphère de renaissance nationale s'éloigne, car les forces de l'inertie persistent à nous faire vivre dans l'incertitude du lendemain. Elles commencent leur nouvelle législature par la reconduction du statu quo new look sans tenir compte des leçons de la géopolitique. Dans d'autres pays, les partis politiques triomphants fêtent leur victoire en grande pompe et leurs militants se bousculent devant les permanences pour savourer ce moment historique. Ce n'était pas le cas chez nous le 11 mai. Le peuple, dans son immense majorité, était hors de la vie politique, la campagne électorale l'a très peu enthousiasmé, preuve que le pouvoir a fait le vide autour de lui. Ni manifestations de joie dans les rues ni rassemblements devant les sièges des partis victorieux, comme si le peu de gens intéressés avaient honte de s'exprimer pour éviter d'être lynchés ou ridiculisés ! Pourquoi ? Tout simplement parce que très rares sont ceux qui ont cru qu'un parti divisé au sommet, paralysé à la base et au bilan gouvernemental terne serait en mesure de rafler presque la moitié des sièges de la nouvelle Chambre basse. Très rares, y compris dans les rangs de ce parti «gagnant» ou dans certains cercles dirigeants. Certes, le mode de scrutin électoral y est pour quelque chose, de même que la persistance des pratiques anciennes qui a démontré la puissance d'une bureaucratie rebelle face à un pouvoir politique exténué. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales lui-même a-t-il cru à cette propulsion, lui qui avait déclaré quelques jours auparavant, sur un ton péremptoire, qu'aucune formation politique n'aura plus de cent sièges ! Son air fatigué en communiquant, devant la presse, les résultats des élections du 10 mai, nous rappelle la mine de son prédécesseur le soir du premier tour des législatives à l'ère du multipartisme, un certain 27 décembre 1991. On connaît les conséquences de cette première expérience pluraliste, cherche-t-on alors aujourd'hui à singulariser le FLN pour précipiter sa mise à mort : identifier le FLN artisan de la Révolution, garant de l'indépendance et source de fierté nationale, au parti du FLN, simple appareil à géométrie variable, vidé de sa substance et réduit à glaner des postes et à promettre des promotions ? Que peut-on faire de mieux en agissant de la sorte, pour ouvrir la voie à la réhabilitation posthume de la période coloniale ? On savait le système sans capacité d'anticipation, mais pas au point de s'enfermer dans une logique suicidaire lourde de risques pour l'avenir du pays. Dans cette démarche, il vient de réussir un autre exploit en neutralisant un vieux bastion de l'opposition désormais menacé d'implosion. Oui, tout ce que nous venons de vivre est si bien exécuté qu'il ne peut-être que l'œuvre d'un nouveau logiciel qui dépasse l'intelligence humaine. L'avenir nous le dira. Pour cela bravo, mais n'en désespérons pas, à quelque chose malheur est bon. Ah, si au moins ces cerveaux électroniques pouvaient permettre aux Algériens de retrouver confiance dans l'avenir, d'avoir une meilleure classe politique, une élite plus engagée, pour enfin mieux vivre dans leur beau pays.