Sabah Benour pense qu'il est impératif de rallonger le délai de collecte des signatures ou de reporter la date du scrutin pour aboutir à une plus grande mobilisation citoyenne. Car avec peu de moyens, les candidats indépendants rencontrent d'énormes difficultés dans la collecte des signatures nécessaires, contrairement aux partis politiques non astreints au test de représentativité. Liberté : Vous êtes tête de la liste «Egalité et citoyenneté» formée par des candidats indépendants aux législatives du 10 mai prochain. Une femme tête de liste, c'est assez rare, comment êtes-vous arrivée à arracher cette place ? Sabah Benour : C'est d'autant plus rare que nous voulons relever le défi et le dépasser. Notre liste est non seulement paritaire mais elle a une autre particularité qui la singularise de toutes les autres listes : nous avons placé trois femmes aux trois premières places. On est arrivé à ce résultat par la persuasion et la conviction. Lorsqu'on s'adresse aux militants et aux citoyens épris de la chose publique de façon politique et non pas intéressés par seulement l'exercice de la fonction électorale, on a des chances d'être écouté. C'est le cas en ce qui nous concerne. Nous sommes au-delà de ce qu'exige la loi en termes de quotas. Nous avons remporté une première épreuve. Et ce n'est pas la moindre des satisfactions de ce combat pour la dignité et la vérité. La collecte des 14 800 signatures qui valideront vos candidatures était-elle en bonne voie ? Elle est lente à mon goût, tâche délicate, mais on ne désespère pas d'être dans les temps. Quand on est indépendant, on n'a pas la logistique partisane ni les moyens financiers adéquats. à ces manques, on équilibre le poids de la contrainte par notre ferveur, nos convictions auxquelles on croit, notre fraîcheur et notre enthousiasme dans le but de promouvoir des idées et de défendre les parias. N'oublions pas que notre condition de femmes, discriminées juridiquement, nous situe dans cette dernière catégorie. Vous étiez dans un parti structuré, ayant beaucoup de moyens, en l'occurrence le FLN. Comment vous vivez les procédures imposées aux candidatures indépendantes ? Comme je vous l'ai dit plus haut, les difficultés existent mais elles ne sont pas insurmontables. Il faut relever, en la matière, l'inégalité devant la loi en ce qui concerne les listes partisanes et les listes indépendantes. Je crois qu'il est impératif à mon sens d'allonger le délai pour les indépendants afin de rétablir au moins la norme égalitaire. Un parti politique n'est pas astreint au test de représentativité. Dans les démocraties respectueuses de l'expression populaire, c'est une autre règle qui est instaurée. Par exemple, on ne rembourse pas les frais de campagne à toute liste qui a recueilli moins de 5%, mais on lui permet de tenter sa chance. Il y a des formations politiques inexistantes sur le terrain et qui n'apparaissent que lors de la période électorale pour disparaître de nouveau une fois celle-ci terminée. Ces dernières concourent sans aucune difficulté aux différentes élections, alors que les listes indépendantes sont contraintes à recueillir 5% de l'électorat en termes de signatures (14 800 signatures d'électeurs légalisées concernant Alger…) pour pouvoir y participer, conformément à la loi organique du code électoral du 14/1/2012 notamment dans son article 72… Il y a un énorme décalage et une inégalité de traitement criante. à défaut de rétablir la norme égalitaire devant la loi, il est impératif de rallonger les délais ou de reporter les élections pour une meilleure mobilisation et participation des citoyens au scrutin et un meilleur score et ainsi avoir une meilleure latitude dans le recueil des voix et permettra de réduire cette injustice. à partir de ce constat, cela me permet d'aborder une autre question : pourquoi la représentation citoyenne est soumise au diktat des partis ? Les formes de représentation traditionnelles sont pour le moins décriées et sont en train de muter à travers le monde, pourquoi alors ne pas encourager d'autres expressions ? Il faut laisser un peu de temps aux nouveaux partis et aux indépendants pour approfondir le processus démocratique et pour une vrai réussite du scrutin Pourquoi n'avez-vous pas continué à militer au sein du FLN ? C'est très long à expliquer, il faudra plus d'une question pour traiter de ce sujet à la fois complexe et lourd. Je pense que le FLN tel qu'il est actuellement a démontré ses limites, la crise chronique qui l'a saisi depuis un certain temps ne lui permet plus aucune issue salutaire. Il existe en son sein une véritable résistance à toute proposition de changement qui le fait vivre dans une tour d'ivoire. Il ne se rend pas compte des appels qui montent de la société et des bouleversements régionaux qui peuvent avoir un impact désastreux sur l'avenir de l'Algérie et de ses générations à venir. Il m'est apparu que le fonctionnement du FLN est éculé et dépassé par les événements. Pour ce qui est des redresseurs, courant contestataire auquel j'appartenais, ce dernier n'a pas su ou pu créer la dynamique qui puisse amener le changement que bon nombre de militants intègres et sincères attendaient, surtout en cette période délicate de notre histoire, notamment en termes de sociologie électorale, en encourageant et en laissant la place aux jeunes et aux femmes. J'ai donc décidé d'aller de moi-même à la rencontre d'autres personnes venues d'horizons divers pour défendre mes idées de modernité, d'égalité et de démocratie. La deuxième de liste Nadia Aït Zaï est une militante éprouvée de la cause des femmes, traçant la voie de l'espérance dans le domaine avec pragmatisme et réalisme. C'est la preuve que l'on peut se rencontrer et, ensemble, aller à la conquête d'une alternative que l'on souhaite de toutes nos forces. Pensez-vous que le quota obligatoire de candidatures féminines retenu pour cette élection se soldera par une représentativité plus importante de femmes à la nouvelle assemblée élue ? C'est sûr, car elle est normalement arithmétique, sauf qu'il faut retenir que l'esprit du projet de loi organique du 12/1/2012, fixant les modalités augmentant les chances d'accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues amendé par nos députés, a été dénaturé par rapport au texte proposé par le gouvernement et qui était préparé par d'éminents juristes et experts, ce qui a créé des confusions et des ambiguïtés entre le quota de la présence des femmes sur les listes électorales et le quota des femmes retenues et siégeant dans la future assemblée nationale. La responsabilité encore une fois incombe aux partis politiques dans le positionnement en place éligible des femmes dans des listes électorales ou en alternance avec les hommes, car la loi en application actuellement fait seulement obligation d'avoir un quota de femmes candidates. Encore des défis à relever et la vigilance doit être de mise, mais nous voulons quand même rester optimistes pour les pas déjà franchis et continuer à militer pour d'autres conquêtes légitimes dans une Algérie indépendante et moderne, aussi nous espérons que les femmes qui seront élues ne seront pas des alibis et sauront être à la hauteur de leur tâche. Elle est immense quelle que soit la représentativité de la future assemblée nationale. N. H.