La création de ce nouveau géant énergétique semble aussi être une réponse au rapprochement entre l'Algérie et la Russie dans le secteur du gaz. Les Européens, et à leur tête les Français, appréhendent beaucoup une probable union entre Sonatrach et Gazprom. La fusion annoncée entre les deux groupes énergétiques, GDF (Gaz de France) et Suez, n'a pas eu seulement des conséquences dans l'Hexagone. L'Algérie via Sonatrach ne peut qu'être attentive à cette entente. En plus des retombées sur les marchés énergétiques, il y a aussi les projets en cours entre les deux entités françaises et Sonatrach qui risquent d'être remis en cause. Cette décision touche, en plus du gaz naturel liquéfié (l'Algérie est le 4e fournisseur de la France en gaz naturel), le secteur de l'eau. Le GNL algérien représentant 18% des approvisionnements à long terme de GDF, la privatisation de ce groupe devrait faire changer la donne sur le marché français et surtout européen sur lequel Sonatrach mise beaucoup. D'ailleurs, cette fusion remet en cause les contrats établis entre les deux parties. Alors que l'échéance des contrats d'approvisionnement en GNL était prévue pour 2012-2013, cette fusion risque de changer la donne. Y aura-t-il remise en cause de ce qui a été signé ? Une probabilité à ne pas exclure surtout après ce qui s'est passé lundi dernier. En effet, le jour même de l'annonce de la fusion des deux groupes énergétiques, Sonatrach annonçait l'annulation (de façon unilatérale) d'un contrat de 2 milliards de dollars signé en 2004 avec les groupes espagnols Repsol YPF et Gas Natural. Ce projet prévoyait la construction d'un mégatrain de GNL à Arzew d'une capacité annuelle de 4,5 millions de tonnes pour alimenter les Etats-Unis. Parler de hasard de calendrier serait trop facile, et les observateurs parlent déjà des premières retombées de la fusion, en attendant d'autres “surprises”. La peur de l'alliance Sonatrach-Gazprom Cette fusion laisse entrevoir le démantèlement de Suez, ce qui suscite d'ailleurs beaucoup de critiques de la part des syndicats français. Ainsi, la branche environnement de Suez verra 65% de son capital distribués à ses actionnaires après son introduction en Bourse. Or, c'est ce pôle environnement qui a signé avec le gouvernement algérien un contrat de 120 millions de dollars pour des prestations de services dans le cadre de la modernisation du réseau de distribution d'eau d'Alger. Cet accord est entré en application, il y a 18 mois, et il prévoyait un transfert de savoir-faire et un plan de formation pour les 3 000 salariés de la Seaal (Société des eaux et assainissement d'Alger). Ce démantèlement risque donc de faire échouer l'objectif de l'opération qui visait à alimenter en eau potable la capitale 24h/24. Le démantèlement ne “touchera” pas seulement la capitale, mais aussi Oran qui risque d'en subir les conséquences. En juin dernier, un contrat de cinq ans et demi portant sur la gestion de l'eau et de l'assainissement d'Oran a été signé avec Agbar, une filiale de Suez Environnement. Ces deux contrats sont-ils menacés ? Une réponse à laquelle doit répondre le département de Sellal qui a beaucoup misé sur les deux groupes précités. La création de ce nouveau géant énergétique semble aussi être une réponse au rapprochement entre l'Algérie et la Russie concernant le secteur du gaz. Les Européens, et à leur tête les Français, appréhendent beaucoup une probable union entre Sonatrach et Gazprom qui pourrait d'ailleurs déboucher sur une sorte d'Opep du gaz” dont les contours n'ont pas encore été définis. Cette attitude des Européens est surtout due à la peur de perdre davantage leur marge de manœuvre quant à leur sécurité énergétique face à leurs deux principaux fournisseurs en gaz (l'Europe est tributaire de plus de 36% de l'Algérie et de la Russie). D'ailleurs, le président français Nicolas Sarkozy n'avait pas hésité à proposer à l'Algérie une fusion entre GDF et Sonatrach. Il espérait ainsi sécuriser le marché énergétique français et aussi annihiler l'alliance algéro-russe. Après le refus net de l'Algérie, la fusion annoncée lundi dernier semblait donc inéluctable pour Sarkozy et les responsables des deux groupes. D'ailleurs, la “coïncidence” a voulu que le mariage de GDF et Suez soit annoncé quelques jours après que les médias eurent “distillé” l'information selon laquelle Gazprom va ouvrir prochainement un bureau en Algérie, ce qui est considéré comme un premier pas vers la concrétisation de l'Opep du gaz. Salim Koudil