Une belle soirée musicale sur laquelle planait l'âme d'un grand musicien qui a révolutionné la chanson algérienne chaâbie. La salle Ibn Zeydoun de l'Office Riadh El Feth poursuit ses douces soirées chaâbies où il est question, à chaque rendez-vous ramadanesque nocturne, de rendre hommage à un artiste disparu, mais qui a laissé son empreinte dans son domaine musical. Cette soirée chaleureuse du lundi était consacrée au défunt Mahboub Bati, ce talentueux musicien et parolier qui a bousculé les tendances et révolutionné la chanson chaâbie en y ajoutant des touches personnelles et particulières qui ont déplu à quelques-uns mais ont ravi beaucoup d'autres. Né à Médéa un certain 17 novembre 1919, le jeune Safar Bati, de son vrai nom, a quitté sa ville natale pour Alger, la capitale, où un riche, talentueux et tumultueux parcours musical l'attendait. Cet artiste légendaire, bourré de talent, avec une capacité exemplaire d'absorber l'art dans tous ses états, est à lui seul un homme orchestre. Il a joué de tous les instruments musicaux et a été donc aussi bien clarinettiste que luthiste, guitariste, saxophoniste ou autre. Au début des années 40, il rejoint l'orchestre de Mustapha Skandrani de la Radio nationale, pour se consacrer ensuite à la composition de paroles et de musiques de nombreuses chansons qui ont connu d'immenses succès et qui ont permis à beaucoup de chanteurs d'éclore ou de se faire connaître davantage, dont Abdelkader Chaou, El Hachemi Guerrouabi, Nora, Boudjemaâ El Ankis, Abderrahmane Aziz et beaucoup d'autres. Sa curiosité, il aimait tout entendre et tout découvrir sur la musique, le fit évoluer dans plusieurs formations musicales qui faisaient de la variété occidentale, moderne et kabyle. Cette multitude d'activités, doublée de sa soif de connaissance, de sa vision futuriste et surtout de son envie du renouveau, a fait qu'il a révolutionné la chanson chaâbie en y ajoutant une touche personnelle moderne qui lui a causé certes, quelques critiques au départ de la part de certains «conservateurs», mais qui a surtout fait apprécier à beaucoup de gens un genre musical qu'ils n'écoutaient pas auparavant, et qu'ils trouvaient lourd, long et quelque peu «ringard» avec des paroles qu'ils avaient du mal à comprendre. N'en déplaise à certains puristes qui ont pris cela pour un sacrilège, l'apparition de la chansonnette chaâbie l'a fait connaître partout et par tous. En simplifiant les paroles, en diminuant la durée, en introduisant des sons modernes, en gardant le coeur intact avec une peau neuve, Mahboub Bati a donné naissance à un genre musical nouveau et jeune, basé sur une richesse du terroir qu'il sacralise lui aussi, mais qu'il voulait faire connaître à un public plus jeune et plus large, en le mettant «au goût du jour» sans en perdre le goût d'hier... Fervent admirateur et élève modèle des maîtres El Hadj M'hamed El Anka, Hadj M'rizak, Khlifa Belkacem, Mohamed et Abderrezak Fekhardji, Mahboub Bati, «le plus grand mélodiste algérien de tous les temps» a été lui aussi le maître de plusieurs chanteurs chaâbis d'aujourd'hui qui lui doivent beaucoup. En cette soirée ramadhanesque, Abdelkader Chaâbane et Aziouz Raïs ont voulu lui rendre hommage en interprétant quelques-uns de ses plus beaux morceaux, qui resteront à jamais gravés dans la mémoire algérienne et qui feront toujours la fierté du patrimoine musical algérien. Qui de nous n'a pas chantonné un jour El Barah, Nesthal al kiya ana li bghit, qui ne connaît pas Oh ya ntiya, ou encore ah el ghali rah.... El ghali Mahboub bâti, nous a quittés en l'an 2000, à l'âge de 81 ans après avoir mis fin à son parcours artistique à son retour des Lieux Saints de l'Islam...Il nous a quittés, mais son âme planait ce soir-là et ses compositions resteront éternelles...