Les décrets présidentiels d'application de la charte « consacreront l'impunité pour des crimes concernés par le droit international et pour les autres atteintes aux droits de l'homme et muselleront le débat public en le criminalisant », lit-on dans le communiqué commun de Amnesty International, Human Rights Watch, Le Centre national pour la justice transnationale et la Fédération internationale des droits de l'homme, rendu public, hier, à partir de Londres. Les quatre ONG avaient, en avril 2005, averti contre le contournement de la vérité et de la justice dans le processus de réconciliation. Leurs craintes semblent confirmées. « Ces mesures contredisent les engagements de l'Algérie vis-à-vis du droit international qui oblige à enquêter sur les atteintes aux droits de l'homme, à rendre les auteurs responsables de leurs actes et indemniser juridiquement les victimes », ont indiqué les ONG qui ont rappelé le déficit en enquête sur les violations des droits de l'homme « par les groupes armés et les services de sécurité depuis le début du conflit en 1992 ». Citant l‘article 44 de l'ordonnance 06-01 qui interdit toute poursuite contre les « éléments des forces de défense et de sécurité de la République », et l'article 46 qui pénalise « quiconque qui, par ses déclarations, écrites ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République », les ONG ont déclaré que les autorités ont élargi l'impunité pour tous les abus passés au lieu de prévenir que ne se répètent ces atteintes aux droits de l'homme. « Ces lois chercheraient non seulement à en finir avec des poursuites pour des crimes passés, mais même le débat public est ciblé », ont estimé les organisations. Concernant les groupes terroristes, les organisations estiment que l'exclusion des auteurs de massacres, de viols ou d'attentats à l'explosif, des mesures d'extinction de poursuites n'empêcheront pas de laisser impunis les assassinats, les tortures et les disparitions commis par des éléments de ces groupes. Les ONG ont observé l'absence de détails concernant un mécanisme chargé de suivre l'application de ces mesures en faveur des groupes terroristes, rappelant l'expérience opaque des commissions de probation de la concorde civile en 1999-2000. Les organisations ont regretté l'absence de garantie concernant une indemnisation des familles de disparus à la hauteur de la gravité du crime et en conformité avec les règles internationales. Le conditionnement des indemnités par une déclaration de décès serait, selon les ONG, une « entrave à la vérité ». Le fait que le président de la République s'est réservé le droit de légiférer « à tout moment » dans le cadre de sa démarche pourrait servir, selon ces ONG, à décréter des mesures qui renforceraient l'impunité et menaceraient davantage la liberté d'expression, en rappelant la grâce amnistiante de janvier 2000 qui suivit la loi sur la concorde civile. Tout en reconnaissant le droit des Algériens à décider eux-même du traitement réservé à leur passé, les organisations rappellent que le « gouvernement ne peut se soustraire à ses obligations internationales en adoptant à l'échelon national des lois contraires à ses obligations, que ces lois résultent d'un vote au parlement ou d'un référendum. Le respect et la protection des droits fondamentaux des personnes ne peuvent faire l'objet d'un vote à la majorité ».