Après une année 2011 marquée par des dépenses publiques colossales consenties pour maintenir la paix sociale à la faveur d'une conjoncture pétrolière jusque-là favorable, ce début d'été 2012 où les prix du pétrole commencent à baisser fait craindre un retour de manivelle. Assimilant cette situation à celle de la fin de l'année 2008 avec les conséquences de la crise financière sur les marchés pétroliers, certains experts s'attendent à ce que les réponses du gouvernement soient également identiques. Le prix du pétrole est tombé la semaine dernière à son niveau le plus bas depuis 16 mois, passant sous la barre des 100 dollars le baril, affolé par les indicateurs macroéconomiques américains, chinois et européens jugés mauvais et des craintes des conséquences d'une aggravation de la crise de la zone euro. Il était en fin de semaine à moins de 85 dollars à New York et surtout de 97 dollars à Londres où le brent de la mer du Nord constitue la référence pour la cotation du baril algérien. «Le Baril de pétrole est descendu en dessous du prix d'équilibre et cela va s'accentuer avec les mauvais chiffres sur l'emploi américain, ce qui pourrait pousser le gouvernement à paniquer et sortir des mesures très restrictives», nous dit une source proche du secteur des finances, en rappelant le scénario de la loi de finances complémentaires 2009. Certains économistes situent le prix du baril nécessaire pour l'équilibre budgétaire à près de 137 dollars (2011) contre moins de 80 dollars en 2008. L'économiste Bachir Messaitfa pense qu'avec un baril au niveau de 80 dollars «l'Algérie devra avoir recours au Fonds de régulation des recettes et aux réserves de change afin de financer le budget» et ce pour financer ces gros projets d'investissements publics. La loi de finances 2012 avait déjà prévu un niveau de dépenses publiques de 7.400 milliards de dinars dont 2.849 milliards de dinars consacrés à des projets d'infrastructure inscrits dans le programme quinquennal 2010-2014, qui pourraient être menacés de report. En avril dernier, le ministre des Travaux publics avait notamment annoncé le lancement en 2012 de la réalisation de projets de routes et d'autoroutes, d'une distance de 5000 km. Jusque-là, le gouvernement est resté serein. Il y a quelques mois et devant la montée de la crise de la dette souveraine en zone euro et les risques qu'elle faisait peser sur les marchés pétroliers, il affirmait que si les prix du pétrole se maintenaient dans une fourchette de 75 à 90 dollars, «il n'y aura pas de nécessité de recourir aux réserves de change du pays». Quid des générations futures ? Le ministre des Finances, Karim Djoudi, avait même indiqué il y a un an que les recettes du fonds permettraient de «sécuriser les dépenses et investissements publics jusqu'à 2014», soit suffisamment pour boucler le plan quinquennal. Pourtant, rien de très rassurant, car le financement du déficit du Trésor par le Fonds de régulation des recettes (FRR) est lui-même problématique. Selon les économistes Rafik Bouklia et Youcef Benabdellah (Symposium sur «l'urgence d'une nouvelle économie moins dépendante des hydrocarbures» Alger, 14 et 15 mars 2012), cela «alimenterait la monétisation et surtout fait perdre au FRR son rôle de fonds d'épargne pour les générations futures». Le FFR, libellé en dinar, a été institué, pour rappel, pour capter la différence entre le prix réel du pétrole et le prix de 37 dollars fixé comme référence pour l'établissement des lois de finances, mais surtout devait servir de réserves aux générations futures. Force est de constater qu'il sert actuellement et essentiellement à éponger les déficits du Trésor sans compter que la question de la «transparence» dans la gestion de ses ressources qui s'établissaient à la fin de 2011 à près de 70 milliards de dollars, est souvent sujette à débat. Beaucoup d'experts s'accordent à dire que si les dépenses publiques restent trop importantes par rapport aux recettes, c'est dû au fait que l'économie algérienne revêt un fort caractère social à travers les transferts sociaux, les augmentations de salaire, les subventions tandis que la création de richesse hors hydrocarbures reste en panne. Les économistes Hassen Rafik Bouklia et Youcef Benabdellah observent à ce titre que «les dépenses liées aux traitements, pensions et transferts sociaux de l'Etat: sont passées de 13% du PIB en 2005 à 20% en 2010». Ces dépenses «absorbaient 120% de la fiscalité pétrolière en 2004 et 160% en 2010». Il faut rappeler qu'en 2008, quand le prix du baril s'était écroulé jusqu'à atteindre les 30 dollars, le gouvernement avait pour faire face à la perspective de baisse des recettes d'hydrocarbures procédé à la promulgation d'une loi de finances complémentaire, dont l'objectif était entre autres la limitation des transferts de devises à l'étranger par le biais d'une réduction des importations, notamment à travers la suppression du crédit à la consommation et l'instauration du crédit documentaire comme seul moyen de règlement des importations. Des mesures à l'impact limité puisque la facture des importations de biens a frôlé les 50 milliards de dollars en 2011. Les importations de services avoisinent quant à elles les 12 milliards dollars. Pour cette année, une loi de finances complémentaire pour 2012 a d'ores et déjà été adoptée en mars dernier, prévoyant une hausse du budget de fonctionnement afin de couvrir l'incidence financière induite par les revalorisations des salaires. Ce réajustement creusant un déficit du Trésor de plus de 4100 milliards de dinars, soit 28% du PIB.