Qui a tué Myriam Sakhri, cette gendarme franco-algérienne retrouvée morte dans son domicile de fonction proche de Lyon ? Cette jeune fille de 32 ans, aimable et souriante, mais aussi compétente et consciencieuse, a été découverte un matin avec une balle dans la poitrine. Sur le sol, les enquêteurs ont saisi un bout de papier dans lequel elle met en cause son supérieur hiérarchique l Qui a donc mis fin aux jours de Myriam ? Qui est derrière sa mort soudaine et incompréhensible ? Paris De notre correspondant Si l'Etat français, avec ses services de gendarmerie, n'arrive toujours pas à répondre à toutes ces questions d'une manière convaincante, l'affaire, quant à elle, chauffe de plus en plus sur le réseau Twitter. Dans le reportage d'investigation qui a été consacré à cette affaire par une chaîne de télévision française, la famille de Myriam Sakhri ainsi que ses amis et certains de ses collègues disent ne pas croire du tout à la thèse du suicide. Interrogé dans le reportage, un gendarme, qui était dans la même unité que Myriam, a avoué, de façon anonyme, que la défunte vivait «un mal-être au niveau de l'unité où elle travaillait», estimant au passage qu'elle était victime «de harcèlement moral et de discrimination raciale». Gendarme modèle, belle et intelligente, l'objectif de Myriam, une fois en fonction, était, selon sa sœur Fatima, de faire de la prévention et non pas de la répression. Serviable, dynamique, elle a reçu des félicitations de la part de sa hiérarchie, notamment pour avoir sauvé un homme blessé lors d'une bagarre. Faire éclater la vérité Mais la vie de cette jeune fille a soudainement basculé lorsqu'elle a été mutée à la caserne Delfosse, à Lyon, où elle y travaille comme opératrice dans un central téléphonique de la gendarmerie. C'est dans ce service qu'elle découvre le racisme au quotidien. Comme, par exemple, des gendarmes qui traitent les usagers d'origine étrangère qui appellent pour avoir un renseignement de «bougnoules», de «boukak», de «youpin», ou lorsqu'ils leur raccrochent au nez en leur demandant de rappeler une fois qu'ils auront appris à parler convenablement le français. Dégoûtée par ce genre de comportements, Myriam décide alors d'adresser une lettre à son supérieur en vue d'attirer son attention sur ces dérapages verbaux. Elle donne même les noms de trois collègues qu'elle accuse de racisme. Malgré cette lettre, rien ne change. Pis encore, son supérieur refuse de la recevoir et les pressions à son égard montent, au point qu'elle devient la cible de ces gendarmes racistes qui ont juré de lui pourrir la vie. Justice à géométrie variable Venue de Paris pour enquêter, l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), a conclu, elle aussi, à un suicide. Or, pour sa famille, c'est tout sauf un suicide. Sa sœur Nadhira, qu'El Watan a contactée par email, a estimé que d'une manière ou d'une autre, Myriam a été «éradiquée» parce qu'elle dénonçait des faits honteux qui se produisaient dans les locaux de la gendarmerie de Delfosse de Lyon. «Nous avons la preuve irréfutable que ce qu'elle disait était vrai et ceux qu'elle mettait en cause avaient réellement commis des fautes inqualifiables à son encontre, ainsi que vers d'autres personnes, notamment les gens qui appelaient les secours en composant le 17», a écrit Nadhira dans son message destiné à El Watan. Close, l'affaire a été rouverte par le procureur de la République lorsque la famille de Myriam a découvert une deuxième douille percutée dans son appartement. Mais, encore une fois, c'est la gendarmerie qui se charge de l'enquête. Une flagrante contradiction qu'a relevée David Metaxas, le nouvel avocat de la famille Sakhri qui s'est demandé, assez justement, comment l'enquête peut-elle être menée par l'autorité de la gendarmerie alors que ce sont les gendarmes qui sont mis en cause. Organiquement, selon cet avocat, il y a un gros problème. Mais la famille ne désespère pas de connaître la vérité. Elle veut que les honneurs soient rendus à Myriam et que justice soit faite pour qu'elle puisse faire le deuil. Ce n'est pas la première fois que des enquêtes sur les discriminations ou relatives à la mort de Français d'origine étrangère soient classées sans suite. L'affaire de Sihem Souid, policière d'origine tunisienne, qui a dénoncé, dans un livre intitulé Omerta dans la police, le racisme ordinaire dont elle fut victime lorsqu'elle était policière à Orly est encore fraîche dans la mémoire. Ou Ali Ziri, cet Algérien interpellé par la police en juin 2009 à Argenteuil puis décédé à la suite des coups que la police lui auraient portés. Autant d'interrogations qui montrent qu'au pays des droits de l'homme, la démocratie et la justice peuvent aussi être des notions ethniquement variables.