Paco Sery, entouré de ses «fidèles» compagnons de route, a lancé un concert intense de 100 minutes, période durant laquelle l'ennui est allé prendre un petit repos ! Constantine De notre envoyé spécial Cela commence par un jeu de batterie en free style, la suite sera une tempête de rythmes, de mélodies, d'africanitude et de joie. Dimanche soir, au théâtre régional de Constantine, le batteur ivoirien Paco Sery, invité de marque du dixième Festival international du jazz, Dimajazz, n'a pas déçu le public. Il y en avait pour tous les goûts : jazz, soul, salsa, funk, disco... Toutes fenêtres ouvertes donc, Paco Sery, entouré de ses «fidèles» compagnons de route, Sophia Nelson, au chant, Cédric Duchemann au saxophone, Alioune Wade à la basse, Olivier Ajavon à la guitare, Eric Gaultier au clavier et Gérard Carocci aux percussions, a lancé un concert intense de 100 minutes, période durant laquelle l'ennui est allé prendre un petit repos ! Chabada Danse, extrait de son dernier album, La vraie vie (Real life, pour la version européenne), a mis le feu aux poudres. La chanson est dédiée à Maï, la fille de Paco Sery. «La vraie vie est l'arrivée de ma fille qui a quatre ans. Je lance un message aux mauvais parents. Il faut s'occuper des enfants», a lancé l'artiste ivoirien. Il a ensuite rendu hommage au trompettiste américain Miles Davis et au pianiste et clavieriste autrichien Joe Zawinul. Pendant quinze ans, Paco Sery, grand amateur du batteur panaméen Billy Cobham aussi, a joué dans l'ensemble de Joe Zawinul qui, lui-même, avait été aux côtés de Miles Davis. Comme samedi soir avec le violoniste français Didier Lockwood, le guitariste Olivier Ajavon, instrument en main, a quitté la scène pour continuer à jouer dans les couloirs et les balcons du théâtre régional, suscitant l'admiration du jeune public. Et pour marier l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest, Paco Sery a invité le jeune Mustapha Lazli de Annaba à jouer de la derbouka. Ce musicien du groupe constantinois Sinoudj s'est vite adapté à une improvisation sur scène jouant même de deux derboukas en même temps ! «Avant de monter sur scène, je venais à peine d'arriver d'Alger. J'ai improvisé avec Paco Sery. J'ai l'habitude de jouer tous les rythmes algériens et orientaux. J'ai commencé par le chaâbi, puis la musique folklorique, maintenant je fais du jazz avec Sinoudj. Je souhaite apprendre plus sur les rythmes des autres régions du monde», nous a expliqué Mustapha Lazli après le spectacle. S'adressant encore au public, Paco Sery a confié qu'il est revenu jouer à la maison. Paco Sery n'a pas oublié son ami, le bassiste américain Jaco Pastorius, décédé en 1987. Jaco Pastorius a notamment marqué l'histoire du jazz rock par style fretless pour le jeu de la basse. «A ceux qui sont en haut, je dis qu'en Algérie il y a beaucoup de talents. Faites quelque chose pour eux», a encore dit le batteur ivoirien. Demandant au public de se mettre debout, Paco Sery, soutenu par Alioune Wade, a, muni de la sanza, interprété une chanson dédiée aux «enfants du monde». Instrument africain par excellence, la sanza, qui porte plusieurs appellations dont kalimba en Ouganda, est considérée comme un piano à pouces. Le jeu se fait en alternance par les deux pouces. Il est évident que pour Paco Sery, la tradition artistique africaine fait partie de la musique du monde. Elle ne peut être confinée dans le continent dans un folklorisme que seuls les adeptes de la stagnation adorent. «Nous sommes dans un monde de métissage. Il faut qu'on grandisse tous ensemble avec cela. Je n'ai pas envie de m'enfermer ou d'enfermer les autres. Pour quelle raison ? On travaille tous autour d'un diamant pour le faire briller. Cela est valable tant en politique qu'en musique (...) Dans notre musique, il y a des codes à respecter. J'aime bien l'instinctif, mais il faut qu'il soit organisé. J'adore créer en permanence», a confié Paco Sery aux journalistes après le concert. D'où vient toute cette énergie déployée sur scène ? «Moi-même je me pose la question des fois. A partir du moment où vous jouez pour les gens, il faut donner toute l'énergie nécessaire (…) J'essaie de chanter. Cela fait plaisir à ma fille qui a changé ma vie. Ma famille m'a encouragé à chanter en me disant qu'elle ne me demandait pas d'être Michael Jackson», a-t-il dit. Il a avoué que la batterie évolue avec lui comme un enfant. «Je ne joue jamais seul la batterie. Je ne vais jamais m'enfermer dans une pièce pour le faire. Cela m'ennuie. Tout se passe instinctivement chez moi», a-t-il dit. Il a souhaité une longue vie au Dimajazz. «J'y suis accueilli comme chez moi. On est vraiment en famille», a-t-il dit. Et il a promis d'inviter un groupe algérien l'année prochaine pour Les Mois du jazz, une manifestation qu'il parraine à Abidjan.