La salle est spacieuse et austère. La lumière est faible. Il y règne pourtant une atmosphère de fébrilité, constamment tisonnée par des kyrielles de gosses et d'adolescents occupés par des jeux « d'adresse ». Le plaisir qu'ils y trouvent est fugace, éphémère. Mais il est surtout agressif. Il n'a, en définitive, rien de ludique. Loin s'en faut. Les machines proposent une floraison de combats agencés. L'écran captive le gosse. L'œil est aux aguets. Les doigts, accrochés aux manettes de commande, fonctionnent instinctivement. Les réflexes semblent rodés, lubrifiés par des séances assidues. Staccatos d'images violentes, défilés de combattants à la musculature impressionnante qui virevoltent à l'excès. Débauche de coups. Rafales d'armes automatiques. Démonstration de force. L'adversaire est broyé, éliminé, gommé et pulvérisé. Même les femmes prennent part à ces duels. Enfilades d'aérofighters, street fighters et autres spice warriors. L'occasion est offerte, qui donne libre cours à un défoulement à bon marché. Ces jeux, en apparence inoffensifs, sont de mon point de vue une apologie de la violence, une glorification des bas instincts. L'enfant ingurgite et digère inconsciemment des préceptes délétères et pernicieux. Son esprit s'accoutume à la violence, à l'agressivité. Je ne veux pas jouer au psychologue de quartier, mais je pense, dur comme fer, que ces jeux sont sournois, voire dangereux. Le gosse se décervèle, perd son sens de l'imagination. Il s'abreuve à une source frelatée. Il s'abrutit. D'ailleurs, toute cette machinerie de pacotille lui est-elle réellement destinée ? Cliquetis d'armes galactiques, pugilats réglés comme du papier à musique, où les protagonistes sont animés d'un désir de destruction intense. L'enfer est pavé de bonnes intentions. Derrière tout acte de violence, il y a cet éternel instinct de domination, qui ne va jamais sans dégâts. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières. Tranquillement, dans la calme sérénité d'une salle de jeux banale et anonyme, des gosses prennent goût à la violence. Ils se délectent de ses fruits amers. Presque dans l'indifférence.