Behdja Lammali prend part en Afrique du sud à la réunion conjointe du bureau du PAP    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie en République de Corée    La Cnep-Banque lance un plan d'épargne "PRO-INVEST" pour accompagner les professionnels    Le ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels supervise depuis Blida la rentrée de la formation pour la session février    Revalorisation des pensions des Moudjahidine et des Ayants-droit: le ministère veillera à mettre en place les mécanismes nécessaires    CNRST : distinction des lauréats aux Hackathons "Innovation Algeria Horizon 2027"    Cisjordanie occupée: l'agression sioniste contre la ville de Jénine et son camp se poursuit pour le 34e jour consécutif    Sous-traitance, pièce de rechange & ateliers de proximité    Le ministre de l'Intérieur installe Kamel Berkane en tant que nouveau wali    Lancement d'une caravane de solidarité en faveur des habitants de Ghaza    La CIJ permet à l'UA de prendre part à une procédure consultative concernant les obligations de l'entité sioniste    Loin de ses potentialités, l'Afrique doit améliorer sa gouvernance    Décès de deux personnes asphyxiées par le monoxyde de carbonne    L'usine de dessalement d'eau de mer de Cap Blanc, une réponse aux défis hydriques de la région    Les voleurs de câbles de cuivre neutralisés    Le Pnud appelle à des investissements à long terme    La destruction de la propriété collective    La nouvelle FAF veut du nouveau dans le huis clos    Eliminatoires CAN féminine 2026 : Entraînement tactique pour les Vertes    Présentation d'un florilège de nouvelles publications    Championnat national hivernal d'athlétisme : Nouveau record pour Bendjemaâ    Activités artistiques et expositions en février à Alger    Réception de la majorité des projets «fin 2025 et en 2026»    Judo / Open Africain d'Alger : large domination des judokas algériens    Athlétisme / Championnat national hivernal 2025 : nouveau record d'Algérie pour Souad Azzi    Le président de la République procède à l'inauguration de l'usine de dessalement de l'eau de mer "Fouka 2" dans la wilaya de Tipasa    Foot/ Ligue 1 Mobilis (17e J) PAC-MCA : le "Doyen" pour creuser l'écart en tête    La Protection civile organise à Djanet une manœuvre en milieux sahariens périlleux    Pluies orageuses sur plusieurs wilayas à partir de samedi soir    Bataille de Foughala à Batna: le jour où la bravoure des moudjahidine a brisé le siège de l'armée française    L'ONU exprime sa préoccupation face à la poursuite de l'agression sioniste en Cisjordanie occupée    Boughali reçu au Caire par le président du Parlement arabe    Cisjordanie occupée: l'agression sioniste contre la ville de Jénine et son camp se poursuit pour le 33e jour consécutif    Les candidats appelés à respecter l'éthique des pratiques politiques    Un Bastion de l'Élite    Réception de la majorité des projets de réhabilitation de la Casbah "fin 2025 et en 2026"        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mouloud Mammeri, l'homme est dans son œuvre
La vérité, c'est la joie
Publié dans El Watan le 09 - 03 - 2006

Un des tout derniers textes de Mouloud Mammeri, La cité du soleil*, fut une pièce de théâtre dont il confia la publication à Tahar Djaout, peu de temps avant de disparaître.
Cette pièce, un texte véritablement énigmatique, est une espèce de testament de l'amesnaw désabusé qui écrivait entre deux graves crises qui ont secoué la société algérienne pendant la décennie grise (printemps 1980 et automne 1988). Le maître fut triste dans son cœur infiniment, parce qu'il voyait que les hommes et les femmes d'Héliopolis ne pouvaient renoncer aux chaînes qui les enserraient jusqu'au sang. Il chercha un moyen de remédier au mal et trouva que, pour mieux se faire entendre, il allait enseigner avec des paraboles, parce que les hommes sont comme les enfants : ils préfèrent être bercés par des fictions mœlleuses qu'éclairés par des vérités abruptes... A cet endroit de ses réflexions, une voix au fond de lui s'éleva ; la voix criait : « Vade retro, Satanas ! Tu veux enseigner les hommes à l'aide de fables, et c'est justement de fables qu'ils meurent ! » (p.71) Cette pièce, une sottie politique, se présente en trois tableaux qui se suivent et se complètent. Le premier met en scène un maître, un « amesnaw », qui entend enseigner les hommes pour les conscientiser. Mais son cœur est mortifié. Les hommes ne sont ni murs ni matures. Ils sont faibles et versatiles. Ils affectionnent le spectacle et les jongleries de saltimbanques, alors que ce que le maître leur demande c'est de rechercher la vérité rêche afin de travailler à leur propre libération et émancipation. Mais la quête de vérité selon la conception pourtant fort orthodoxe du maître exige l'initiation à la joie, à la frénésie dionysiaque qui insuffle la vie que ne peut assumer ni adopter une société de culture mortifère enserrée dans des rites, des pratiques, des croyances inhumaines et irrationnelles sauf à appliquer les recettes du maître qu'il ne pourra proposer qu'une fois devenu bateleur avec la parole libérée parce que devenue folle. Le second tableau, une suite logique du premier, voit la transformation du maître en bateleur avec singe, bâton et tambourin. La leçon civique et citoyenne a vite tourné au spectacle clownesque qui détourne l'attention des citoyens des préoccupations sérieuses et les portent aux loisirs grotesques des sujets moyenâgeux taillables, corvéables et qui plus est soumis aux caprices d'un despote illuminé et sanguinaire. C'est que la leçon du premier tableau consistant en l'acquisition d'un savoir libérateur parce que la recherche de vérité a laissé la place à l'abandon délicieux à la médiocrité et à la gabegie s'avère irréalisable. Ces deux piliers des gouvernements de cités obscurantistes rythment les rituels symboliques sur les récoltes du pavot persan, du chanvre indien ou de la mousse de soie indonésienne plutôt que sur l'effort intellectuel propre à l'élévation spirituelle pour devenir digne de capter les sources des émanations divines des connaissances. Ainsi l'amesnaw chassé des institutions de savoir et de pédagogie (l'université qui frappe les meilleurs de ses enseignants d'interdits professionnels depuis 1970 et impose des ostracismes à la recherche sur certains écrivains nationaux mais iconoclastes depuis les années 1980-90) se voit contraint et forcé à se faire saltimbanque et amuseur de galerie plus fou que jamais, car il a enfin réalisé que pour gagner son pain quotidien, il lui fallait faire le fou. Et seul le fou médiéval ou dans les sociétés agraires et paysannes pouvait s'autoriser à dire des vérités aux citoyens devenus sujets du fait de leur lâcheté : Hommes, dit le maître, ce que vous devez arracher, c'est dans vos chefs la chefferie, dans vos prêtres la prêtrise, dans vos guerriers la violence et dans vos lois l'impératif. Mais quant aux hommes, qu'ils vivent ! Chacun d'eux n'a, comme vous et moi, qu'une vie à un seul exemplaire : il n'en paraîtra jamais une semblable dans les siècles des siècles. ( p.77) Le troisième tableau traitera précisément de la fête, c'est-à-dire le rituel et le circonstanciel de la joie vite devenue subversive et conduisant à la mort parce qu'elle perturbe l'ordre mortifère. Le troisième tableau, celui du dévoilement, de la révélation, de la confrontation aboutit enfin à la répression et au souvenir du plus grand des crimes commis depuis la naissance de l'humanité : celui prémédité de Socrate, l'accoucheur de vérité par l'ironie et la joie subversive. Avec le triomphe momentané de la violente usurpation, la discorde renaît et s'amplifie entre le conseil et les sujets sur un fond de rafistolage dans les rangs des élus du conseil et de réveil des opprimés qui redécouvrent leur « amesnaw », l'identifient, le plaignent mais ne peuvent ni ne font rien pour le défendre. Quant à lui, dans un ultime élan de professeur et de maître de vérité et de joie de vivre, il leur recommande avant d'être exécuté : « J'ai le geste entravé, leur cria-t-il, mais le verbe libre. Hommes, ne pleurez pas les musiques de vos bonheurs perdus, mais travaillez plutôt à les faire revenir : coupez les mains qui vous en coupent ! » (p.93). Le lien entre le tableau second et le troisième est établi de manière extrêmement sibylline. A la fin du second tableau le chef - anciennement le général - parlera des flûtes pour ordonner leur destruction totale car, soulignera-t-il, il faut briser avec les flûtes les « nostalgies démobilisatrices » - entendez - subversives (p. 83) Cet élément insolite, la flûte, apparaît dans le texte et recouvre une importance symbolique cardinale. Mouloud Mammeri fait ici une double allusion référentielle. La première à Mozart avec le mythe de la « flûte enchantée » ou la résurrection de l'univers mortifié par le dogmatisme et la médiocrité (la société enserrée). La seconde plus fabuliste réfère à la légende du flûtiste Hikmer le trouvère qui débarrassa Paris des rats qui y répandaient la peste noire à la fin du Moyen-âge. Le bourguemestre escroc ne lui ayant pas payé ses émoluments, Hikmer entraîna tous les cancres écervelés enfants parisiens se noyer dans la Seine comme les rats. La mort et la mortification hantèrent depuis les esprits aigrefins.
* Mammeri Mouloud (1986) La Cité du soleil, éditions Laphomic, Alger, p. 61 - 94


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.