Immense artiste en Argentine, il est connu dans le monde entier. L'Argentine n'est pas que le pays du tango même si cet art, à la fois musique et danse, en est une des plus fortes expressions. La «vastitude» de son territoire, la richesse de son histoire et la diversité de ses sources humaines et culturelles ont donné lieu à de nombreux genres traditionnels ou classiques. C'est ce que proposait de découvrir, jeudi dernier en soirée, le concert de Jaime Torrès et de sa formation au Palais de la Culture Moufdi Zakaria. Organisé par le ministère de la culture et l'ambassade d'Argentine en Algérie, ce spectacle se voulait à la fois un voyage dans la musique traditionnelle de ce pays fascinant et la découverte d'un immense artiste dont la renommée rayonne depuis longtemps dans le monde, à l'image de celle de son compatriote, le poète, guitariste et chanteur Atahualpa Yupanqui (1908-1992) qui s'est produit à deux reprises à Alger. Né en 1938 à San Miguel de Tucumán, à plus de 1000 km au nord-ouest de Buenos Aires, Jaime Torrès est une incarnation vivante de l'Argentine profonde et de ses expressions artistiques. A 74 ans, il poursuit sa destinée artistique avec une verve intacte et impressionnante quand on sait tout l'effort que nécessite l'exercice de son art si particulier, celui du charango. Ce nom désigne une sorte de guitare à cordes pincées, bien particulière par sa petite taille, son galbe et sa structure. Remontant au XVIIe siècle, le charango est originaire de la Bolivie. Les Amérindiens se seraient inspirés de la guitarrilla espagnole pour concevoir cet instrument répandu sur le territoire andin (Argentine, Chili, Pérou, Bolivie, Equateur). On suppose que sa petite taille correspondait au besoin de déplacement et de transhumance des populations sur les montagnes élevées et les plateaux immenses. La réputation de Jaime Torrès est indissolublement liée au charengo auquel il a donné en quelque sorte de la noblesse puisque cet instrument, à l'origine destiné à des fonctions d'accompagnement, est devenu, essentiellement grâce à lui, un instrument principal capable de produire des solos. L'autre caractéristique de ce grand artiste est d'avoir toujours été attaché au répertoire traditionnel andin dont les variations offrent une infinité de genres, modes et instrumentations. Jaime Torrès a passé son enfance dans la vallée de la Chimba Chica, en Bolivie, où il apprend précocement à jouer du charengo. A partir de 1954, sa réputation est déjà établie en Argentine et il rejoint un ensemble prestigieux. Les années cinquante et soixante sont celles où il accompagne de grands interprètes mais, dès 1967, il commence ses propres tournées nationales et internationales, en Allemagne, Belgique, aux Etats-Unis, au Canada, Mexique, France, Espagne, Suisse… En 1974, il participe avec son ensemble à la cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde de football en Allemagne. La liste de ses concerts à travers le monde est impressionnante, de même que celle des prix et distinctions qu'il a reçus. Sa venue à Alger est un événement qui méritait d'être souligné et espérons qu'elle soit renouvelée. Le charengo de Jaime Torrès a tant d'affinités avec certaines des musiques algériennes qu'il serait intéressant d'envisager des expériences de croisements des répertoires. Salim Hadj-Bachir *Le musicien séjournera cette semaine à Alger. Pour tout contact ou rendez-vous, écrire à [email protected]