François Hollande évite de donner de la France l'image d'un pays qui ne songe qu'à aller guerroyer et qui, surtout, est peu respectueux de la légalité internationale. Alors que Laurent Fabius avait prévenu, jeudi, que l'usage de la force dans le nord du Mali était probable «à un moment ou à un autre» et que, pour AQMI et ses alliés, la France était «l'ennemi principal», le président français François Hollande s'est empressé, hier, de définir les conditions dans lesquelles doit s'effectuer cette intervention. Cela probablement afin d'éviter de donner de la France l'image d'un pays qui ne songe qu'à aller guerroyer et qui, surtout, est peu respectueux de la légalité internationale. Le successeur de Nicolas Sarkozy a ainsi soutenu qu'il revenait aux pays africains de «déterminer» quand et comment intervenir militairement. Il convient «que les Africains eux-mêmes puissent organiser le soutien au Mali», a déclaré M. Hollande lors de l'interview télévisée du 14 juillet, jour de la célébration de la Fête nationale française. Pour le nouveau locataire de l'Elysée, le règlement du conflit malien doit se faire en deux temps. Il faut «d'abord qu'il y ait un véritable gouvernement au Mali qui prenne ses responsabilités et qu'une intervention dans le cadre de l'Union africaine et des Nations unies puisse se faire. C'est aux Africains de déterminer et le moment et la force», a soutenu le président français, confirmant ainsi le souci de son pays de faire en sorte d'avoir son mot à dire dans ce conflit, mais tout en veillant quand même à ne pas se retrouver en première ligne. «Nous devons apporter toute notre solidarité. Au Conseil de sécurité, il y a une résolution qui permet justement de faire cette intervention avec le soutien de l'ONU», a rappelé M. Hollande. Ce rappel, qui n'est pas anodin, traduit également assez bien le souhait de Paris de voir la crise malienne sortir au plus tôt du statu quo dans lequel elle se trouve actuellement. Jeter le bébé avec l'eau du bain Et pour justement tenter de donner du mouvement à la crise et commencer à réunir les conditions de l'intervention souhaitée autant Paris que par la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), le Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra, s'est rendu vendredi à Paris pour annoncer au président de transition, Dioncounda Traoré, «sa décision de proposer une large ouverture à toutes les forces vives du Mali» pour libérer le pays. La formation d'un gouvernement de large union était, rappelle-t-on aussi, une exigence de la Cédéao qui la considère comme un préalable indispensable à la «reconquête» du nord du Mali. A ce propos, la Cédéao se dite prête à envoyer une force militaire de 3000 hommes pour aider l'armée malienne à reprendre le contrôle des villes tombées entre les mains des terroristes d'AQMI et du Mujao. Mais contrairement à la France qui prône une intervention militaire dans la région, l'Algérie, qui possède près de 1500 kilomètres de frontière avec le Mali, a répété vendredi vouloir privilégier la diplomatie pour régler la crise. Fortes de leur expérience dans la gestion du dossier des rébellions touareg, les autorités algériennes paraissent convaincues que la «démarche du tout-sécuritaire» n'est pas du tout viable.Cela en plus du fait qu'elle est difficile à mettre en œuvre. «Nous avons toujours préconisé et souhaité le dialogue entre les acteurs maliens et le gouvernement central (du Mali)», a indiqué à Addis-Abeba le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, précisant que «les pays du champ (Algérie, Niger, Mali et Mauritanie) sont d'accord sur cette approche». Découpler la question touareg d'AQMI Le diplomate algérien, qui s'exprimait à l'issue d'un entretien avec le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, a souligné que cette approche est «convergente» aussi avec la communauté internationale, rappelant à ce propos la dernière résolution du Conseil de sécurité qu'il a qualifiée de «claire». Cette résolution préconise la recherche d'une solution politique entre Bamako et les rebelles touareg dans le cadre de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Mali, tout en combattant le terrorisme et le crime organisé. Il n'est pas nécessaire d'être un grand expert de la région pour constater que la démarche préconisée par l'Algérie pour régler la crise malienne diffère de celle de certains pays qui paraissent aujourd'hui tentés de jeter le bébé avec l'eau du bain, c'est-à-dire saisir l'opportunité de la confusion qui règne dans le nord du Mali pour écraser à la fois les rebelles touareg et AQMI. Et pour l'Algérie, il n'est pas question justement de mettre tout le monde dans le même sac. «Il y a, d'une part, des Maliens qui revendiquent une participation à la vie du pays et qui ont probablement des revendications légitimes, notamment les rebelles touareg, ainsi que les Arabes et les autres populations», a indiqué Abdelkader Messahel. «Il y a, de l'autre côté, le terrorisme et le crime organisé, et dans notre approche, en tant que pays du champ, nous avons toujours fait la distinction entre le crime organisé et le terrorisme qu'il faut combattre et les revendications légitimes qu'il faut prendre en charge dans le cadre d'un dialogue avec les limites consistant à ne jamais remettre en cause l'unité nationale du Mali et sa souveraineté», a-t-il souligné. Reste maintenant à voir si la Cédéao, qui a actuellement le statut de médiateur dans la crise malienne, l'entendra de cette oreille.