Les pays de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) soutenus par la France n'ont pas obtenu de mandat du Conseil de sécurité pour une intervention au nord du Mali. A cette demi-rebuffade à l'Onu, s'ajoute la défection du président malien de transition qui n'assistera pas au sommet ouest-africain qui s'ouvre aujourd'hui à Ouagadougou. A Alger, des responsables français ont rencontré M. Messahel pour discuter de la situation au Sahel. C'est un demi-échec pour la Cédéao. Tout en condamnant l'action des rebelles et groupes armés au nord du Mali, le Conseil de sécurité de l'Onu n'a pas donné de mandat pour une intervention militaire des forces de la Cédéao. La résolution adoptée jeudi à l'unanimité soutient les efforts de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour mettre fin à la crise dans le nord du Mali, mais laisse pendante la question de l'intervention. Il se contente de «prendre note de la demande de la Cédéao et de l'Union africaine d'un mandat du Conseil de sécurité autorisant le déploiement de la force». Il se dit prêt à « examiner plus avant cette requête une fois que des informations supplémentaires auront été fournies en ce qui concerne les objectifs, les moyens et les modalités du déploiement envisagé». La porte n'est pas fermée. Le Conseil de sécurité maintient cependant des réserves déjà exprimées sur le projet d'envoi d'une force de 3300 hommes au Mali de la Cédéao. Il n'a pas entendu l'appel lancé vendredi dernier par les dirigeants de la Cédéao à adopter une »résolution autorisant le déploiement» de ses troupes contre les groupes armés qui contrôlent le nord du Mali. Le Conseil de sécurité a condamné les destructions de mausolées à Tombouctou en soulignant que de telles attaques «peuvent constituer des violations des lois internationales», aux termes du statut de Rome, qui a créé la CPI, ainsi que des conventions de Genève. Il appelle «toutes les parties au Mali à prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la préservation». Alors que sur le terrain les djihadistes affirment leur emprise sur le nord du pays, les efforts diplomatiques et politiques sont à la peine. LA CEDEAO A LA PEINE Outre l'absence de réponse nette du Conseil de sécurité sur l'intervention militaire, la Cédéao enregistre la défection du président de transition malien, Dioncounda Traoré, pour le sommet ouest-africain prévu samedi à Ouagadougou. C'est très clairement en raison de l'instabilité politique à Bamako où son absence prolongée pour soins à Paris est source de critiques, que Dioncounda Traoré a renoncé à aller à Ouagadougou. « Si M. Traoré doit quitter la France pour une destination, c'est Bamako. Les Maliens auront du mal à comprendre qu'il quitte Paris pour se rendre à Ouagadougou », a déclaré un responsable malien. La Cédéao est censée au cours de ce sommet de rencontre des représentants de la classe politique et de la société civile malienne pour aller vers « un gouvernement d'union nationale ». La Cédéao veut un gouvernement plus large que le cabinet actuel dirigé par le Premier ministre Cheick Modibo Diarra. Mais la rencontre ne fait pas l'unanimité à Bamako. Le Mouvement populaire du 22 mars (MP 22), qui soutient les putschistes du 22 mars, ne participera pas à la rencontre d'aujourd'hui et dénonce une «rencontre de plus destinée à apporter des mesures cosmétiques à une crise politique qui n'a que trop duré». Selon le MP 22, proche des putschistes qui ne veulent pas lâcher la main, la Cédéao travaille à maintenir la «crise politique et institutionnelle au Mali» et affiche un « mépris souverain pour toute solution nationale » et multiplie «les gestes de provocation, de chantage et de menace contre les forces politiques qui rejettent ses diktats». DISCUSSIONS ALGERO-FRANÇAISES Outre ces difficultés, la question de l'intervention militaire continue d'être formulée avec beaucoup d'équivoques. La France, par exemple, a mis sa diplomatie au service d'une intervention militaire qui serait accomplie par les pays africains Et très clairement, même si cela n'est pas dit, ouvertement par l'Algérie dont le rôle est qualifié « d'essentiel ». Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a exprimé sa crainte de la création d'un « Sahélistan » en relevant que pour Aqmi, la France et l'Europe étaient « l'ennemi principal ». Le ministre français semble envisager une implication militaire de la France qui viendrait en appui à une force africaine. « Il faut que la légalité constitutionnelle soit rétablie dans le Sud, il faut que les Africains se rassemblent pour préparer un certain nombre de forces de sécurité. Il faut que le moment venu au Nord on dégage Aqmi, d'autant que nous avons des otages Nous voulons assurer l'intégrité du Mali et lutter contre le terrorisme », a-t-il poursuivi. Un début de concertation entre Alger et Paris sur la situation au Mali a été entamé mercredi et les propos diplomatiques de deux parties montrent une différence d'appréciation en matière de priorités. M. Abdelkader Messahel a rencontré une délégation française, composée de Mme Hélène Le Gal, conseillère du président François Hollande pour les questions africaines, et de M. Félix Paganon, représentant du MAE français pour la Sahel. Selon Messahel, la rencontre a permis «d'évoquer la recherche d'une sortie de crise dans le cadre de la préservation de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale du Mali». Messahel dit avoir mis en avant l'impératif de «consolider le leadership à Bamako» et de «rechercher, par le dialogue et la négociation, une solution dans le nord du Mali entre tous les acteurs qui condamnent le terrorisme et le crime organisé, qui restent une menace majeure pour le Mali, pour la sous-région et pour la communauté internationale, et qu'il faut combattre». La conseillère de M. Hollande a indiqué que l'Algérie et la France sont d'accord pour «faire face très vite au crime organisé et au terrorisme qui progressent dans ce pays Si on ne s'attelle pas très vite à faire face à ces deux menaces, elles risqueront de menacer l'ensemble des pays de la région».