Les APC et les services de sécurité se rejettent la responsabilité de la lutte contre l'informel. A l'approche du Ramadhan, des produits «dangereux» circulent en toute impunité. Les étals anarchiques de produits de large consommation durant le mois de Ramadhan poussent comme des champignons. Même dans les quartiers où l'informel n'était pas encore implanté, ils font leur apparition à l'approche du mois sacré. Les vendeurs d'herbes aromatiques, de feuilles de brick, de zlabia et de boissons à base d'ingrédients inconnus se disputent les trottoirs. Des quartiers entiers deviennent invivables. Bruit, accès bloqués, ordures envahissant les espaces communs, tel est le décor quotidien de nos cités, qui ressemblent de plus en plus à un grand bazar. Nos villes sont livrées aux barons de l'informel qui n'hésitent pas tisser leur toile dans tous les quartiers. Officiellement, aucune autorité n'est chargée de lutter contre ce fléau, c'est du moins ce qu'on peut déduire du fait que les APC et les services de sécurité s'accusent mutuellement de délaissement et de défaillance. Les membres d'un comité de quartier, qui a engagé plusieurs actions afin d'éradiquer l'informel qui pullule dans la commune de Baraki, témoignent de l'indifférence des autorités locales par rapport à cette préoccupation des habitants. Aucun écho aux appels lancés. Le comité a déposé quatre pétitions au niveau de la sûreté de daïra, quatre autres à l'APC, trois à la daïra en l'espace de deux mois. «La dégradation a augmenté d'un cran à l'approche du mois sacré. Actuellement, toutes les ruelles sont bouchées et les étals couvrent tous les trottoirs. Cela se passe à moins de 50 mètres d'un commissariat», témoigne un membre de ce comité. Insécurité Outre l'aspect du squat de la voie publique qui détériore l'état des villes, ces espaces se transforment en scènes de crime. Des jeunes se disputant quelques mètres carrés n'hésitent pas à recourir à des armes blanches pour se faire entendre. «Sous nos yeux, en bas de notre immeuble, d'interminables bagarres ont lieu. Des échanges d'insultes, d'obscénités et souvent des rixes qui se terminent à l'hôpital sont des faits quotidiens qui ne choquent plus personne», explique une enseignante habitant le quartier Smaïl Yefsah, à Bab Ezzouar. Au niveau de la rue principale de Bachdjerrah, les vendeurs ont délimité les territoires qui ne sont autres que les trottoirs longeant les rues fréquentées de la ville. Après les affrontements de janvier 2011 entre policiers et vendeurs informels et au lendemain du «feu vert» d'Ahmed Ouyahia qui a décidé de faire machine arrière sur l'application des textes régissant les transactions commerciales et l'obligation d'utilisation de la facture dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent, les jeunes vendeurs ont carrément «divisé» les trottoirs et même la chaussée en parcelles ; chaque «carreau» porte, écrit à la craie, en arabe, les prénoms des bénéficiaires. Les mécontents ont riposté à coups de couteau. C'est le même modus operandi au gigantesque marché de la rue de la Lyre, où les commerces légaux sont quasiment anéantis par les vendeurs à la sauvette installés depuis des années. «C'est toute une organisation, chacun de nous a son territoire. Un vendeur peut louer sa place de trottoir à un autre nouveau venu», explique un jeune vendeur de cette partie de la Basse Casbah, où il est quasiment impossible de circuler en voiture. Les riverains ne peuvent rejoindre leur domicile en voiture qu'après le départ de ces squatteurs. Selon l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), le danger est accru durant la période de Ramadhan coïncidant avec la saison estivale. Produits alimentaires ou armes de destruction massive Les vendeurs informels profitent de la brèche existant dans la réglementation de l'activité des contrôleurs de la direction de la concurrence et des prix (DCP) qui ne cible que les commerçants inscrits au registre du commerce. «Ceux de l'informel ne sont pas visés par les opérations de contrôle», a dénoncé à maintes reprises M. Boulenouar, qui précise que dans l'informel, sont écoulées des quantités importantes de confiseries et autres produits alimentaires ne portant pas le nom du fabricant ni les composants. Ces produits sont généralement confectionnés à domicile, mais «personne ne peut garantir la validité de leurs composants ni la conformité des conservateurs et leur impact sur la santé». Il est également à signaler les amoncellements de biscuits et de chocolats importés proposés à la sortie de certains marchés de la capitale, dont la date limite de consommation est dépassée. Des clients peu prudents sont attirés par les prix alléchants. M. Toumi, directeur exécutif de la Fédération algérienne des consommateurs (FAC), met en garde contre certains produits très «demandés» durant le mois sacré, en raison de la chaleur. Des vendeurs de fausse citronnade s'installent dans tous les quartiers pour écouler des produits «très dangereux» pour la santé. «Ces citronnades, appelées communément cherbet, sont fabriquées à base d'acide citrique dilué dans de l'eau. Les quantités d'acide utilisées sont dangereusement élevées et peuvent nuire à l'organisme», explique M. Toumi. Et de rappeler que des opérations de contrôle ont permis de constater que ces boissons sont fabriquées dans des baignoires récupérées dans des décharges publiques. «Le hic est que les garages où sont fabriquées ces boissons sont clandestins, donc nuisibles.» M. Frikha, du comité de quartier de Baraki, signataire de plusieurs pétitions, pointe du doigt les contrôleurs et les services de sécurité défaillants dans leur mission de protection des citoyens. Des viandes blanche et rouge, des abats (douara) sont proposés sur des étals exposés au soleil, à la poussière et aux insectes.