Les dispositions de la loi relative au statut du personnel militaire, adoptée récemment par le Parlement en remplacement de celle de 1969 régissant ce corps, sont un concentré d'interdictions. Ces dispositions de la loi insistent sur les obligations auxquelles doivent désormais se soumettre les membres de l'Armée nationale populaire (ANP) quel que soit leur grade. Le texte publié mercredi par notre confrère Echourouk dicte explicitement aux militaires les règles à tenir. On relève d'emblée que le législateur s'est fortement inspiré de la décennie du terrorisme dans la confection de ce statut. Il ne laisse pratiquement aucune marge de manœuvre aux officiers de l'armée sinon celle d'obéir scrupuleusement aux ordres de la hiérarchie. On y décèle également le souci d'expurger l'armée des luttes politiques et de dépolitiser définitivement la grande muette réputée être depuis l'indépendance comme la « faiseuse des rois ». Il y a d'abord ce conseil supérieur de la fonction militaire a qui échoit dorénavant la mission de réglementer et suivre les carrières des militaires. Cette institution est présidée par le ministre de la Défense, c'est-à-dire dans le cas de l'Algérie par le président de la République. Cela suggère que c'est Bouteflika qui décidera du sort des officiers de l'armée y compris les généraux et les généraux-majors qu'il peut à loisir envoyer en retraite. C'est que ce nouveau statut qui va dans le sens de la professionnalisation de l'armée consacre incontestablement, du moins dans les textes, la primauté du politique sur le militaire. C'est aussi un principe défendu par certains milieux politiques algériens qui réclamaient le retour des militaires dans les casernes pour laisser la politique aux politiciens. En l'occurrence, le président de la République - ministre de la Défense et commandant suprême des armées - apparaît d'après le nouveau texte comme le premier responsable de la gestion des carrières des militaires dont les promotions sont prononcées par décret présidentiel (article 11). Une grosse nouveauté encore : la mise en retraite pour tous les gradés de l'armée est maintenant strictement réglementée en fonction de l'âge et de la durée de service. Les généraux-majors : 56 et 60 ans pas plus ! Ainsi, le chef d'état-major ne saurait dépasser l'âge de 64 ans dans son poste, 60 ans pour le généralmajor, 56 pour le général, 53 pour le colonel, 48 pour le lieutenant-colonel et 45 ans pour le commandant. Ces officiers qui auront atteint l'âge de la retraite n'auront plus la possibilité de rester dans les rangs de l'armée. Le président de la République fait cependant une exception dans l'article 21 où il se donne la prérogative de signer des dérogations au profit des officiers supérieurs occupant des postes supérieurs dans la hiérarchie. Le deuxième chapitre du statut relatif aux droits, obligations et responsabilités énonce un chapelet de zones rouges que le militaire devra s'interdire de dépasser. Dans l'article 25, il lui est ainsi défendu de faire « l'apologie de la religion ou de glorifier les idées qui contredisent les lois de la République et les valeurs de la nation ». Cette disposition est sans doute dictée par le souci de couper l'herbe sous le pied d'éventuels officiers d'obédience islamiste et se prémunir contre les diversions dans les rangs de l'armée. De la même manière, le statut interdit à tout officier de faire des déclarations dans les médias ou d'animer des conférences sans l'accord préalable de sa hiérarchie (article 26). L'exercice de l'activité politique est également expressément interdit, que ce soit dans le cadre d'un parti, d'un syndicat ou d'une association à caractère religieux (article 29.) Le militaire en fonction n'a pas le droit non plus de postuler pour un mandat électif quel qu'en soit la nature ni de pouvoir user de sa qualité au profit d'un parti ou d'une association à caractère syndical ou religieux. Le militaire, même retraité, se doit d'observer la règle du secret professionnel en vertu de l'article 45, sous peine de sanctions. Les sanctions prévues dans le nouveau statut vont de la radiation dans l'échelle des promotions pour une durée limitée, à la radiation définitive des effectifs de l'armée en passant par la dégradation et la suppression pure et simple du grade. Ces mesures disciplinaires concernent aussi bien les militaires en fonction que les retraités. Les premiers devront comparaître devant « le conseil d'enquête », tandis que les seconds seront présentés devant « un conseil de discipline ». La composition des deux structures est précisée par décret présidentiel. Ce sont là, globalement, les dispositions fortes qui régiront la carrière des militaires portées pour la première fois à la connaissance de l'opinion. C'est dire, tout compte fait, que les choses ont changé au sein de cette institution qui reprend ainsi les missions constitutionnelles qui sont les siennes.