Rejetant l'idée de la création à l'étranger d'un «gouvernement de transition» comme suggéré la semaine dernière par Paris et Doha, l'Armée syrienne libre (ASL) de l'intérieur a appelé hier à la formation d'un conseil présidentiel de six personnalités politiques et militaires qui aura à diriger le pays après la chute du régime du président Bachar Al Assad. Dans une première étape, il sera d'abord constitué un «Conseil supérieur de défense regroupant les chefs militaires des villes et des provinces syriennes ainsi que les plus importants officiers ayant fait défection (…)», a affirmé l'ASL dans son «programme de salut national».Les chefs de l'ASL pensent certainement aux généraux Manaf Tlass, Fayez Amr et Ferzat Abdel Nasser. Washington n'a d'ailleurs pas caché son souhait de voir particulièrement M. Tlass jouer un rôle actif dans l'après-Al Assad. Cette instance (le Conseil supérieur de défense, ndlr) choisira, selon cette feuille de route de l'ASL, «un conseil présidentiel de six personnalités politiques et militaires pour diriger le pays durant la période transitoire». Celui-ci aura notamment la prérogative de «proposer des lois pour restructurer les organismes militaires et de sécurité et proposer des solutions pour intégrer les civils qui ont combattu durant la révolution au sein des structures militaires et de sécurité». Confirmant son intention de rester maître du jeu, l'ASL insiste sur le fait que «tout gouvernement formé ici ou là n'aura aucune légitimité nationale et révolutionnaire s'il n'est pas approuvé par le commandement de l'ASL à l'intérieur et toutes les véritables forces révolutionnaires sur le terrain». Entre civils et militaires, c'est la méfiance ! L'allusion est certainement faite au Conseil national syrien (CNS) qui conçoit différemment l'après-Al Assad. Le président du CNS, Abdel Basset Sayda, avait, en effet, annoncé samedi qu'il allait discuter avec les groupes rebelles présents sur le terrain d'un gouvernement de transition qui serait dirigé par une personnalité engagée dans le soulèvement dès son déclenchement. La démarche n'a visiblement pas été du goût de l'ASL qui s'est empressée de rendre publique sa propre feuille de route. La mise en garde des leaders de l'ASL confirme à tout le moins l'existence de profondes divergences au sein de l'opposition syrienne. La remarque s'applique surtout aux opposants de l'intérieur et à ceux de l'étranger. Entre civils et militaires, c'est aussi la méfiance. Sur le terrain des combats, la situation restait confuse hier à Alep, poumon économique de la Syrie. Au troisième jour d'une bataille cruciale pour le contrôle de cette deuxième ville du pays, troupes gouvernementales et rebelles revendiquaient des victoires. Alep sous les bombes Dès dimanche soir, l'armée syrienne avait affirmé avoir pris le contrôle d'une partie du quartier de Salaheddine, principal bastion rebelle à Alep. «Le quartier de Salaheddine a été nettoyé des rebelles armés», a affirmé la télévision d'Etat. Ce quartier était le premier à tomber entre les mains des rebelles qui avaient lancé la semaine dernière une bataille pour libérer Alep. Les rebelles syriens ont néanmoins vite démenti l'annonce de Damas, affirmant au contraire avoir pris hier, après dix heures de combat, un point d'accès stratégique au nord-ouest d'Alep qui leur permet désormais de relier cette ville à la frontière turque et d'acheminer renforts et munitions aux rebelles. «Le poste de contrôle d'Anadan, à cinq kilomètres au nord-ouest d'Alep, a été pris après dix heures de combats», a affirmé sur place le général Ferzat Abdel Nasser, un officier qui a déserté il y a un mois des rangs de l'armée régulière. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les troupes syriennes poursuivaient hier leurs bombardements à l'artillerie lourde et par hélicoptères des quartiers rebelles, dont Salaheddine, Sakhour et Al Zahira, en proie à des combats violents. Pour la seule journée de dimanche, l'OSDH a dénombré 125 morts, dont 46 civils, 45 soldats et 24 rebelles. De crainte d'être bloqués par les combats, les habitants ont continué hier à fuir en masse Alep. Quelque 200 000 personnes ont déjà quitté leurs foyers ces deux derniers jours, en direction des pays voisins, selon la responsable des opérations humanitaires de l'ONU, Valérie Amos. Face à l'escalade de la violence, la France qui aura à présider le Conseil de sécurité de l'ONU durant ce mois d'août, envisage de demander d'ici la fin de la semaine une réunion d'urgence de cette instance sur la Syrie au niveau des ministres des Affaires étrangères, selon son chef de la diplomatie Laurent Fabius.