Empêchés d'accomplir le mandat que leur a confié le Conseil de sécurité, pris même pour cible par l'armée syrienne aux abords de la ville d'Alep, les observateurs de l'ONU renseignent de manière très précise sur l'intensité de la crise en Syrie, aidant à mieux l'appréhender. Ainsi en est-il du recours par le régime syrien à son aviation de guerre. Ils ont, en effet, affirmé hier que les troupes régulières avaient eu recours à des avions de chasse pour tirer sur la ville d'Alep (nord) où des combats opposent depuis près de deux semaines les rebelles à l'armée. Les observateurs à Alep «ont vu hier un avion de chasse tirer» sur la deuxième ville de Syrie, a affirmé Sausan Ghosheh, porte-parole de la mission de l'ONU. Par ailleurs, «nous avons maintenant la confirmation que l'opposition possède à Alep des armes lourdes, dont des chars», a-t-elle dit. Ce n'est donc plus une simple révolte et encore moins une opération de rétablissement de l'ordre; un ordre, il est vrai à l'origine de cette opposition qui a basculé dans l'action armée. Dans de telles conditions, l'aviation est devenue l'ultime recours pour un régime qui a préféré la répression à une approche politique qui aurait épargné la population de tant de massacres et préservé le pays de véritables lignes de fracture. Quant aux rebelles, les chars en question auraient été pris à l'armée, même s'ils savent que de tels engins seraient ciblés par l'armée régulière. D'ailleurs, rappelle-t-on, ils n'hésitaient pas à les détruire. Si la guerre – il faut bien l'appeler ainsi – est désormais ouverte, qu'en est-il de la population civile, prise en otage comme dans tous les conflits de cette nature et de cette ampleur ? L'ONU ne manque pas de dire son inquiétude à ce sujet, même s'il s'agit pour elle de rappeler «aux parties en conflit leur obligation de se conformer à la loi humanitaire internationale qui stipule la protection des civils». Et si elle le fait, c'est que la population court un grand risque. C'est certainement la première fois aussi qu'elle s'adresse pour cela aux «parties» et non plus seulement aux autorités syriennes, octroyant par voie de conséquence à l'opposition armée, ou à la rébellion, un statut lié à l'évolution de la situation ou, plus précisément, la réalité du terrain. Celle-ci n'est plus celle de ces derniers mois et encore moins celle du début du mouvement de contestation, en mars 2011, né lui aussi spontanément pour s'opposer aux coups de matraque de la police syrienne. Le symbole de l'arbitraire, fondement du régime syrien avec le cachot et le bâillon qui servait à étouffer les libertés. Tout cela a sauté en attendant que cela disparaisse, suivant en cela la peur, un sentiment longtemps partagé par les Syriens. Manquant d'intelligence, le régime syrien a choisi la répression. Il a eu la guerre.