De retour en Algérie après un spectacle à l'étranger, Hamdi Bennani dit «l'Ange blanc» revient, pour El Watan Week-end, sur sa carrière, sur Annaba, la ville qu'il aime tant et surtout sur son absence lors des festivités du cinquantenaire de l'indépendance nationale. On vous surnomme «l'Ange blanc», ou bien «le grand maître du malouf annabi». Ces qualifications vous honorent-elles ou bien vous dérangent-elles ? Je ne me sens pas du tout dérangé ou offusqué par ce surnom d'«Ange blanc», au contraire. C'est un nom qui me convient parfaitement du fait de ma tenue vestimentaire et de mon violon, lors de mes spectacles. Je considère la couleur blanche comme un signe de célébrité, de paix. Quant à la seconde idée de «grand maître du malouf annabi», je ne peux pas me considérer comme «le» grand maître par excellence. Avant moi, il y a eu de grands maîtres auxquels je ne cesserai jamais de rendre hommage tous les jours de mon existence. Et je ne me sentirai jamais supérieur à eux, loin de là. Il ne peut, de nos jours, y avoir de grand maître du malouf, que ce soit ici à Annaba ou à Constantine, d'ailleurs. Ceci dit, il faut préserver ce patrimoine qui, non seulement appartient à ces deux villes, mais à toute l'Algérie sans exclusion. Je préfère me présenter comme un ambassadeur du malouf annabi, voyageant de ville en ville, de pays en pays, afin de faire découvrir la richesse de cette musique.
L'Algérie a célébré, le 5 juillet dernier, ses 50 ans d'indépendance. On ne vous a pas vu sur scène… Ne vous aurait-on pas «oublié», parmi les personnalités qui devaient être invitées ? Au risque de décevoir certains détracteurs, je n'ai pas été «oublié». J'ai bien été invité par l'Office Riadh El Feth qui m'avait invité dans le cadre d'une tournée qui devait s'étaler sur quatre soirées. Seulement, cette invitation s'est faite un peu tardivement et je devais en honorer une autre plus ancienne, au Canada, où j'ai dignement et fièrement représenté l'Algérie au Festival d'été de la ville de Québec. Là-bas, j'ai pu, avec une grande émotion, commémorer le cinquantenaire de l'indépendance nationale.
En 2012, pour la plupart des Algériens, vous êtes l'un des maîtres incontestés du malouf. N'y a-t-il cependant pas d'autres styles musicaux dans lesquels vous excellez ? Tout le monde connaît Hamdi Bennani, l'Ange Blanc du malouf, et pourtant, je ne chante pas que du malouf. Je tiens d'abord à souligner que j'ai chanté en français. Je suis plutôt dans le style de la variété de la fin des années 50. J'apprécie particulièrement Eddy Constantine et sa chanson Je suis un sentimental, avec laquelle, j'ai obtenu un premier prix, lors d'une radio crochet à Annaba qui s'appelait encore Bône, au nez et à la barbe des pieds-noirs… Une chanson que je n'oublierai jamais et que je continue à fredonner, c'est Bambino de l'inoubliable Dalida. Mis à part la bonne vieille variété française, je me suis essayé également à la musique algérienne, essentiellement l'andalou et le haouzi, ce qui, progressivement mais sûrement, m'a amené au malouf et donc, au Hamdi Bennani qui tout le monde connaît. Cependant, il m'arrive encore de chanter en français, lors de spectacles à l'étranger.
Hamdi Bennani, c'est aussi… Annaba ! Une ville très ouverte aujourd'hui comme à l'époque de Bône la Coquette. Les gens sont spontanés et directs, comme ils l'étaient du temps de la présence française. Annaba est une ville ouverte à la mer et ça compte énormément. D'ailleurs, sur un plan musical, on le remarque puisque qu'une petite différence s'opère entre le malouf annabi et le malouf constantinois. Contrairement à ce dernier, le nôtre est plus vif, plus léger avec cette influence, sans aucun doute de la mer. On se sent comme transporté sur une embarcation pour une petite balade. On peut spéculer aussi sur l'idée que Annaba a été un peu défigurée par les extensions successives qu'elle a connues, notamment avec l'implantation du complexe sidérurgique d'El Hadjar… Les années aidant, Annaba est devenue cosmopolite. Il y a eu un exode massif de personnes issues de différentes wilayas de la région, voire du reste du pays. Je profite aussi de cette occasion pour dire à tous les pieds-noirs natifs de Bône sans exception, de revenir. On a assisté à des retours réguliers de certains, d'autres n'osent pas encore, par peur sans doute. Moi, je leur dis juste ceci : Annaba vous tend ses bras et moi le premier, vous êtes, vous aussi, les enfants de cette si jolie ville, vous êtes chez vous. L'Algérie a toujours un grand cœur, et les Algériens n'ont pas de rancune, surtout après 50 ans…
On vous prête une ascendance kabyle. Ne serait-ce pas, justement, un symbole d'une Algérie unie dans sa diversité, un Hamdi Bennani d'origine kabyle, chantant le malouf, style très prisé dans le Nord constantinois ? Mon grand-père paternel, en effet, est Kabyle, mais mon père est né, lui, à Annaba et ma mère est Annabia de souche. J'aimerais signaler à cette occasion, qu'à Annaba, il y a beaucoup de Kabyles établis surtout au quartier Beni M'haffer. Mais je tiens à dire surtout que nous sommes tous des Algériens avant tout, que nous soyons Kabyles, Chaouis, Mozabites, Arabes ou Targuis. D'ailleurs, je suis très apprécié en Kabylie, où j'affiche toujours complet lors de mes spectacles dans cette magnifique région.
Vous venez donc de rentrer du Canada où vous avez côtoyé des chanteurs français et québécois d'envergure internationale. Que vous a inspiré ce séjour outre-Atlantique ? Je me suis rendu au Canada pour la deuxième fois de ma vie. La première fois, c'était à l'occasion du 5 juillet 1994. Cette année, pour ce 5 Juillet, je n'ai pas été dépaysé, connaissant déjà ce magnifique pays. Cette fois-ci, j'ai eu droit à un spectacle immense organisé par la présentatrice française Daniela Lumbroso qui a réussi à réunir 25 artistes sur scène, parmi lesquels Yves Duteil, Gilbert Montagné, Dany Brillant, Isabelle Boulay et des chanteurs africains. C'était inoubliable, la francophonie dans sa diversité ! D'ailleurs, Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie et ancien président de la République du Sénégal, un pays frère que j'affectionne aussi, était présent. Ma présence lors de ce festival est due au 50e anniversaire de notre indépendance. A cette occasion, j'ai interprété une magnifique chanson avec les frères Nakache, des juifs originaires de Constantine, chanson intitulée Nous sommes restés des amis. C'était un magnifique symbole de réconciliation entre tous les enfants de l'Algérie, sans distinction de race, de confession ou autre. Nous l'avons chantée devant 80 000 personnes et gaâdna isdiqa. Le public – et bientôt les téléspectateurs – ont eu droit à une rencontre avec l'histoire, l'histoire de ce beau et magnifique pays qu'est l'Algérie. L'émission sera retransmise sur la chaîne française France 3 dans la soirée du 6 août.
Quels sont vos projets ? Pendant le Ramadhan, je partirai en tournée dans le pays. A l'automne prochain, j'entamerai une série de tournées à l'étranger, mais le programme n'est pas encore clairement défini. Ecouter Mohammed Smaïn sur http://elwatanlafabrique.wordpress.com/