Le processus vital du régime syrien est maintenant engagé dès lors que les défections touchent y compris des hauts responsables politiques, voire des bras droits d'Al Assad. La défection hier du Premier ministre, Riad Hijab, qui a tôt fait de rejoindre l'opposition, constitue un autre clou enfoncé dans le cercueil d'un régime cliniquement mort. Il est en effet le plus haut responsable à rompre avec le régime de Bachar Al Assad depuis le début de la révolte syrienne il y a 17 mois.Riad Hijab, qui servait jusque-là de caution sunnite au régime alaouite, a sans doute compris qu'il était temps de quitter le bateau ivre du clan Al Assad qui tangue au gré des coups d'éclat de l'opposition armée mais aussi des défections en cascade des civils et militaires. Elle montre et démontre que Bachar Al Assad ne contrôle désormais plus grand-chose dans ses périmètres et parmi ses troupes les plus fidèles. Et dans une réaction presque risible rappelant celle du défunt El Gueddafi, le régime finissant de Damas émet un communiqué dans lequel il annonce le «limogeage» de Riad Hijab, et son remplacement par Omar Ghalawanji, vice-Premier ministre et ministre de l'Administration locale, qui a été désigné pour «expédier les affaires courantes». Or, l'ex-Premier ministre et une dizaine de membres de sa famille ainsi que des ministres étaient déjà arrivés en Jordanie. Riad Hijab s'était auparavant fendu d'un communiqué au vitriole lu par son porte-parole à Amman, Mohamed Otri, et diffusé en direct sur la chaîne d'information Al Jazeera. Il y explique sa défection par sa volonté de ne pas cautionner des «crimes de guerre et le génocide» commis par le régime. «J'annonce ma défection du régime meurtrier et terroriste pour rejoindre les rangs de l'opposition dont je deviens l'un des soldats.» Et comme il fallait s'y attendre, cette nouvelle bombe, qui explose entre les mains de Bachar Aal Assad, a boosté le moral des troupes sur le terrain mais aussi des animateurs de l'opposition politique. Le chef du Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l'opposition, Abdel Basset Sayda, a salué cette défection signifiant que «le régime se désagrège. C'est le début de la fin». Presque la même tonalité dans la réaction des Etats-Unis pour qui la défection de Riad Hijab «est une nouvelle indication du fait qu'Al Assad a perdu le contrôle de la Syrie». Mort clinique du régime Ce commentaire du porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche est partagé par le ministre allemand des Affaires étrangères. Guido Westerwelle a estimé hier : «Ces informations montrent à quel point l'érosion du régime d'Al Assad est avancée. Ces événements confirment aussi à quel point sont nécessaires une cessation immédiate des violences et la formation d'un gouvernement de transition sans Al Assad», a-t-il déclaré dans un communiqué. M. Hijab devrait s'installer au Qatar qui accueille déjà plusieurs hauts responsables civils ayant fait défection. «Hijab ira à Doha, où sont basés les médias internationaux. Il s'y rendra demain, après-demain ou d'ici quelques jours», a déclaré Mohamed Otri. Par ailleurs, trois officiers de l'armée et deux ministres ont aussi fait défection pour rejoindre la Jordanie, selon un membre de l'opposition syrienne. Mais il n'y a aucune confirmation du départ des deux ministres ni précision sur leur identité. Dans le même ordre d'idées, des proches du régime, des diplomates et de nombreux généraux ont fait défection au cours des 16 derniers mois. Un général de l'armée, accompagné de cinq officiers de haut rang et une trentaine de soldats, est encore arrivé en Turquie pour rejoindre l'opposition, a rapporté hier l'agence Anatolie. Au total, 31 généraux syriens ont fait défection jusqu'à présent. Cette hémorragie qui gagne le régime de Bachar Al Assad renforce les convictions de différents pôles de l'opposition syrienne. Pour le Conseil national syrien (CNS), les choses sont claires pour les dignitaires du régime encore fidèle à Al Assad : «Il n'y a plus d'excuses pour rester à bord du même bateau que ce régime criminel. Il est temps de choisir entre la loyauté envers la Syrie et son peuple et celle à un grand terroriste et meurtrier, dont l'heure du jugement est proche.» Sur le terrain, les affrontements se font de plus en plus violents à Damas et Alep. Bien que l'armée «loyaliste» affirme contrôler «totalement» la capitale, les rebelles ont pu tout de même cibler symboliquement le haut lieu de la propagande du régime qu'est le siège de la radio télévision d'Etat.