Les armes ne se sont pas tues, hier à Alep, où le bombardement d'une boulangerie a fait à lui seul une dizaine de morts. Plus effroyable que jamais, la guerre civile en Syrie fait craindre le pire à la communauté internationale, partagée entre ceux qui veulent sauver le soldat Al Assad (Moscou et Pékin) et ceux qui souhaitent hâter sa chute (Les Etats-Unis, la France, le Qatar…). Pendant ce temps, des dizaines de citoyens sont massacrés quasi quotidiennement, mais aussi des militaires des deux camps. Kofi Annan, qui a tenté depuis mars dernier de régler ce conflit interne, a dû agiter le drapeau blanc face à un déchaînement de violence sur le terrain, couplé à une division évidente du Conseil de sécurité sur la conduite à tenir face à la Syrie. C'est précisément pour casser cet immobilisme et tenter de trouver une solution à l'enlisement de la situation en Syrie que le profil du diplomate algérien Lakhdar Brahimi semble faire l'unanimité. A New York, l'ex-ministre algérien des Affaires étrangères, rompu aux missions délicates aux quatre coins du monde, fait consensus. Il est en effet fortement pressenti pour remplacer Kofi Annan comme envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie. Sur un terrain miné Bien que sa nomination n'ait pas été annoncée officiellement (probablement cette semaine), Lakhdar Brahimi, qui a déjà opéré en Afghanistan, en Irak, au Liban et en Afrique du Sud, a esquissé hier sa feuille de route. «Le Conseil de sécurité de l'ONU et les Etats de la région doivent s'unir pour permettre une transition politique dès que possible», a-t-il appelé dans un communiqué commun avec le groupe des «Anciens», qui réunit des personnalités œuvrant au règlement des conflits dans le monde. «Des millions de Syriens réclament la paix à grands cris. Les grandes puissances ne peuvent plus rester divisées et ignorer ainsi cette demande pressante», a-t-il ajouté.Pour l'éventuel futur médiateur de l'ONU en Syrie, «les Syriens doivent s'unir en tant que nation pour trouver une solution. C'est la seule manière de garantir que tous les Syriens pourront vivre ensemble en paix, dans une société fondée non pas sur la peur des représailles mais sur la tolérance». La nomination de Lakhdar Brahimi, que nous n'avons pu joindre, hier à New York, paraît ainsi logique en ce sens qu'il ira sur un terrain certes miné, mais où il dispose de cet atout maître de pouvoir être écouté et respecté par les deux parties dès lors qu'il est lui-même Arabe. Aussi, ses «états de service» en Irak, au Liban et en Afghanistan plaident largement en sa faveur pour une telle mission consistant à réanimer un processus de paix quasiment impossible entre frères qui s'entretuent en Syrie depuis voilà 17 mois. En attendant que Lakhdar Brahimi assume officiellement sa mission, les Etats-Unis multiplient les sanctions contre le régime de Bachar Al Assad. Hier, ils ont ciblé la compagnie pétrolière Sytrol, détenue par l'Etat syrien, pour avoir entretenu des relations commerciales avec l'Iran. «Le Conseil de sécurité doit s'unir» Le Trésor américain a également blâmé, dans un communiqué, le Hezbollah libanais, déjà classé comme organisation terroriste aux Etats-Unis, pour son «rôle central» dans la répression menée par le régime syrien. Les Américains, pour qui le pouvoir d'Al Assad est déjà fini, s'apprêtent à annoncer «dans les prochains jours» de nouvelles sanctions pour «hâter» sa chute, pour reprendre l'expression de Mme Clinton.Sur le terrain, des combats très violents se poursuivaient à Alep pour le contrôle de cette ville-clé (355 km au nord de Damas) près de la frontière turque. Les autorités ont affirmé avoir repoussé une attaque rebelle contre l'aéroport international de la ville, théâtre de combats depuis le 20 juillet. Par ailleurs, une manifestation organisée tous les vendredis, après la prière, depuis le début de la révolte en mars 2011, a été violemment réprimée dans un quartier bourgeois (Nouvel Alep) sous contrôle de l'armée. Celle-ci a ouvert le feu sur la foule, tuant d'une balle dans la tête un étudiant de 19 ans, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Dans un communiqué, Human Rights Watch a appelé hier les belligérants à «respecter les lois de guerre» en ne visant pas les civils et en ne menant pas d'attaques indiscriminées. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s'est aussi alarmé de la situation humanitaire à Alep. «Des milliers de personnes ont quitté leur domicile et commencent à se réfugier dans des bâtiments publics, désormais utilisés comme abris temporaires», a indiqué Marianne Gasser, chef de la délégation du CICR en Syrie, ajoutant que plus de 80 écoles accueillaient des déplacés. Le CICR se dit d'autant plus inquiet que «le Croissant-Rouge syrien a dû suspendre la plupart de ses activités en raison du danger extrême sur le terrain». Selon le CICR, «des dizaines de bénévoles» continuent cependant de travailler sur le terrain et de livrer de la nourriture.