Une célébration dans la pure tradition des confréries de Constantine a été organisée jeudi soir au Palais du bey de Constantine en hommage à cheikh Si Mohamed Ben Djelloul, l'une des plus grandes figures des «lakhouan». Les chefs de zaouïa encore en activité dans la ville, à l'instar de cheikh Salim Mezhoud de la confrérie des Aïssaoua, Mohamed Salah Daoud de la zaouïa Rahmania, les chefs des zaouia Hansala et Tidjania et les adeptes d'autres zaouïas ont été conviés à cette occasion par la maison d'édition Champ libre, organisatrice de la soirée, à animer une célébration selon la tradition authentique des «lakhouan». Après une entrée marquée par des chants collectifs exécutés debout sur des percussions enflammées de bendir et rythmées de mouvements de corps en transe, le groupe prend place assis en cercle comme à l'ancienne. Une quarantaine de «choristes», conduits par cheikh Salim Mezhoud, chef de la confrérie des Aïssaoua, offrira ainsi aux invités de la soirée un envoûtant voyage mystique à travers une prestation combinant de qçaed et de medh, puisées dans le répertoire de grands maîtres, suivies de psalmodies de dhikr, de chants de type «braouel» et de très touchantes invocations et prières. Les morceaux chantés ou psalmodiés étaient accompagnés tantôt de percussions enflammées d'une dizaine de bendir, tar et derbouka, tantôt de rythmiques claquements de mains, si typiques à ce genre de chants mystiques et impliquant aussi bien la scène que les invités disposés eux aussi en cercle et qui, en connaisseurs de ce patrimoine, ne se feront pas prier pour s'impliquer dans la musique, agrandissant ainsi le cercle des choristes. La «chorale», composée d'une quarantaine d'éléments faisant preuve d'une magnifique maîtrise de leurs textes et du sens de leurs paroles, passait allègrement d'un registre à un autre sur un signal presque invisible du «chef d' orchestre», ou d'une voix d'un autre élément du groupe proposant de chanter une qacida qui lui vient en tête. «Cette célébration n'aura de véritable impact que si elle est suivie d'un travail systématique visant à la sauvegarde de la tradition authentique du chant et de la musique confrérique», a confié à l'APS le cheikh de la Tariqa des Aïssaoua, Salim Mezhoud, à l'issue de cette soirée. «La tradition authentique du chant et de la musique confrérique a subi plus que des altérations, de grandes déformations qui l'ont déviée de son sens initial, et ce, à la faveur d'une mode qui fait de cette musique aujourd'hui une activité lucrative et un fonds de commerce», a-t-il ajouté. Le but de la manifestation «Fi Dikhra Echaâbania», dont le nom fait référence à une tradition festive et caritative de Constantine, est de contribuer à la sauvegarde du patrimoine immatériel de Constantine, a indiqué pour sa part Mériem Merdaci, directrice de Champ libre, organisatrice de cette soirée.