Ramené sur une chaise roulante, Mohamed Boukhari semble être très affecté. Il aura fallu que le prévenu Mohamed Boukhari, ancien conseiller du PDG d'Algérie Télécom (AT), fasse un malaise en pleine audience pour que le juge, Tayeb Hellali, décide du report en appel du procès de l'affaire Algérie Télécom au 25 septembre prochain. Les avocats mettent en garde contre la «non-assistance à un prévenu en danger». Une ambiance particulière a régné, hier, à l'audience de la 5e chambre pénale de la cour d'Alger, où devait se tenir le procès en appel de Mohamed Boukhari (ex-conseiller de l'ancien PDG d'AT) et de Mejdoub Chani (homme d'affaires algéro-luxembourgeois), poursuivis, avec deux sociétés chinoises de télécommunications, ZTE et Huawei, pour «corruption, trafic d'influence et blanchiment d'argent». Aucun des témoins réclamés, y compris les représentants d'AT, n'est présent dans la salle. Ramené sur une chaise roulante, Mohamed Boukhari donne l'impression d'être très affecté. Il a subi deux opérations chirurgicales et, selon ses avocats, son état de santé «ne permet pas» son audition par le juge. Faisant partie de la défense de Mejdoub Chani, Me Khaled Bourayou réitère sa demande pour la convocation de Dominique Fermine, représentant de Natixis au Luxembourg. «Nous estimons la présence de Fermine importante pour la tenue de ce procès. Il doit nous expliquer les propos qu'il a tenus lors de son audition dans le cadre de la commission rogatoire», déclare l'avocat, offusqué de la persistance de la justice à vouloir juger Boukhari «en dépit de la dégradation» de son état de santé. Le juge Tayeb Hellali réaffirme son refus de convoquer le représentant de Natixis, arguant du fait qu'il ne peut sortir du cadre du dossier. «Même si ce Fermine se trouve dans la salle, je ne l'entendrai pas», lance-t-il à l'avocat, avant d'entamer l'examen de l'affaire. Il se tourne vers Boukhari, mais ce dernier n'arrive pas à parler. Ses avocats insistent sur «son incapacité» à répondre aux questions. «J'ai ici une lettre du médecin de la prison qui affirme qu'il peut être auditionné», déclare-t-il. Le prévenu est pris subitement d'une envie de vomir. Ses avocats l'allongent sur un banc. Le président fait appel à un médecin. Une femme en blouse blanche arrive ; elle lance un regard furtif sur Boukhari et déclare : «Il est bien…» Ce qui met en colère les avocats. «Il ne peut même pas rester assis. Il a subi deux opérations chirurgicales, il doit être allongé», s'offusque Me Chelgham. Le prévenu ne tient plus. Il est tout de suite évacué. Le président se retire de l'audience. Plus d'une demi-heure après, il revient. «L'affaire est renvoyée au 25 septembre prochain», annonce t-il avant de lever l'audience. Un sentiment de soulagement se lit sur les visages des membres de la famille Boukhari et de ses avocats. Me Samir Sidi Saïd revient sur le mandat d'amener lancé par le juge contre Boukhari, alors qu'il était en convalescence à l'hôpital Beni Messous, au pavillon de l'administration pénitentiaire. «Le mandat d'amener a été délivré le 7 août ; 24 heures plus tard, soit le 8 août, Boukhari a été kidnappé de son lit d'hôpital pour être transféré à la prison. Plus grave, le médecin de Serkadji écrit dans son rapport établi le 8 août, soit le jour même où il a subi une opération, qu'il peut assister à l'audience, sauf complication. Comment ?», déclare Me Sidi Saïd. Les avocats de Chani se déclarent satisfaits du report et déclarent qu'ils maintiennent leur demande relative à la convocation de Dominique Fermine. «Nous reviendrons avec la même demande et si le juge refuse, nous nous retirerons de l'audience, parce que nous ne pouvons cautionner un procès déloyal et inéquitable», souligne Me Djamil Chelgham.