Les avocats de Mohamed Boukhari, ex-conseiller du PDG d'Algérie Télécom, mettent en garde contre la dégradation de l'état de santé de leur mandant arraché à son lit d'hôpital et transféré à Serkadji, alors qu'il venait de subir deux interventions chirurgicales. La défense de Mejdoub Chani exige la convocation du représentant de Natixis du Luxembourg, faute de quoi, elle menace de se retirer. Les avocats de Mejdoub Chani, homme d'affaires luxembourgeois, et Mohamed Boukhari, ancien conseiller du PDG d'Algérie Télécom, menacent de se retirer de l'audience si le juge de la 5e chambre pénale près la cour d'Alger décide de juger l'affaire sans convoquer le représentant de la banque Natixis et en ne prenant pas en compte l'état de santé de Mohamed Boukhari. Dans une conférence de presse animée hier à Alger, les quatre avocats, maîtres Djamil Chelgham, Khaled Bourayou, Tayeb Belarif et Sidi Saïd, se sont succédé pour dénoncer ce qu'ils ont qualifié de «procès inéquitable et déloyale» des deux prévenus, poursuivis et condamnés en première instance à 18 ans de prison pour «corruption et blanchiment d'argent». Pour la défense de Chani, il est «inacceptable que le témoignage du représentant de Natixis, Dominique Fermine, sur lequel repose l'inculpation, ne soit pas pris en compte. Nous voulons que ce témoin soit présent à l'audience afin de l'entendre et de le confronter», révèle maître Chelgham. Ce dernier explique que dans les réponses de la commission rogatoire adressée à la justice luxembourgeoise, Dominique Fermine affirme que, l'ensemble du contenu est en faveur de Chani, sauf une seule ligne ajoutée à la fin par le témoin pour affirmer que Chani avait procédé à des vérifications sur l'identité de Mohamed Boukhari et a confirmé qu'il n'était pas une personnalité exposée. «Une telle phrase est en contradiction avec ce qu'il avait déclaré au début en disant qu'il ne pouvait pas le connaître. C'est sur la base de cette phrase qu'il a été condamné. De ce fait, nous voulons avoir plus de précisions de la part de M. Fermine. Si le juge refuse de le convoquer, cela veut dire que la magistrate veut priver la défense et le justiciable de leur droit de se défendre», ajoute-t-il. Abondant dans le même sens, maître Bourayou affirme que «ce témoin-clé est très important pour l'éclatement de la vérité. L'innocence de Chani dépend de sa déclaration. Nous dénonçons cette situation criarde de non-droit», dit-il avant d'être interrompu par maître Balarif : «Le prévenu a un traitement des plus inhumains, et ce, depuis son incarcération pour l'affaire de l'autoroute Est-Ouest.» Maître Bourayou enchaîne : «Nous nous demandons ce que cache cette cabale. Est-ce parce qu'il a déposé une plainte contre les sévices que lui ont infligés les services de sécurité durant sa garde à vue ? Même si cette plainte a été classée par le parquet, cela n'enlève pas au fait que Chani a subi de très mauvais et dégradants traitements durant les 20 jours qu'a duré la garde à vue. Pourquoi veut-on abattre Chani ?» Reprenant la parole, maître Chelgham prévient qu'en cas de refus de convoquer le témoin Dominique Fermine, la défense sera dans l'obligation de se retirer. Maître Bourayou estime que le juge doit impérativement entendre le témoin, d'autant, note-t-il, que le représentant du ministère public ne s'est pas opposé à sa convocation. Pour sa part, maître Sidi Saïd, un des avocats de Mohamed Boukhari, exprime sa colère contre le traitement infligé à son mandant. «Comment le magistrat puisse-t-il nous dire qu'il n'a aucune preuve sur le fait que le prévenu soit hospitalisé ? Il a délivré un mandat d'amener et 24 heures plus tard, Boukhari a été kidnappé, oui je dis bien kidnappé de son lit d'hôpital de Beni Messous, dans le pavillon de l'administration pénitentiaire, pour être conduit à Serkadji, alors qu'il venait de subir deux interventions chirurgicales. Son état de santé s'est détérioré et risque de s'aggraver à n'importe quel moment. Nous refusons qu'il soit jugé dans ces conditions. Il doit retourner à l'hôpital pour un meilleur suivi médical. Jusqu'en fin de matinée, un de ses avocats n'a pu avoir le compte rendu de son état. Est-ce normal ?», s'offusque maître Samir Sidi Saïd. Il exhibe une longue lettre qu'il a adressée le 12 juillet dernier au procureur général d'Alger, dans laquelle il attire son attention «sur la dégradation» de l'état de santé de son client et «l'urgence de son transfert vers l'hôpital pour bénéficier des soins adéquats». Les quatre avocats se sont donc donné le mot pour se retirer de l'audience d'aujourd'hui, dans le cas où le juge Tayeb Hellali décide de ne pas tenir compte de leur demande. «Nous savons qu'il veut la faire passer coûte que coûte parce qu'il doit partir en congé. Lui-même l'a affirmé en audience et nous refusons de plaider dans de telles conditions», conclut maître Bourayou. A signaler que cette affaire a été renvoyée à deux reprises et doit être jugée demain à la cour d'Alger.