Faut-il se préparer au retour, sous une forme ou une autre, du Front islamique du salut ? La question mérite aujourd'hui d'être posée dans la mesure où certains anciens dirigeants de l'ex-FIS n'hésitent pas à revendiquer, haut et fort, depuis leur libération dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, leur pleine réhabilitation politique. Parmi les 300 islamistes jusque-là libérés de prison, Ali Benhadj, l'ancien numéro deux du parti dissous, est celui qui a, pour le moment, le plus clairement formulé cette exigence. Dans un entretien accordé la semaine dernière à la radio française France Inter (la bande sonore été diffusée hier), il a laissé entendre, en effet, qu'il ne renoncerait pas à ses droits politiques. Au moment où une majorité de l'opinion reste encore abasourdie par les libérations en série des éléments des anciens groupes islamistes armés emprisonnés, durant les années 1990-2000, dans le cadre de la lutte antiterroriste (notamment depuis la sortie de Abdelhak Layada, un des fondateurs du GIA), Ali Benhadj est ainsi monté au créneau, face au micro du journaliste de France Inter, pour dénoncer le caractère « inéquitable » et « partial » de la politique de réconciliation menée par le chef de l'Etat et réclamer sa « réhabilitation politique ». Une réhabilitation qui doit, a-t-il insisté, être assortie d'un droit lui reconnaissant la liberté de dire sa lecture de la crise. Ali Benhadj est soutenu dans sa démarche par ce qui reste de l'ancienne représentation du FIS dissous à l'étranger, dont principalement Anouar Haddam, vivant actuellement aux Etats-Unis. Quid de la position de Abassi Madani ? Celui-ci reste, certes, campé sur son « rejet catégorique » de la feuille de route préconisée par l'Etat pour sortir de la crise. Des sources islamistes rapportent qu'il ne serait pas enclin, cependant, à reprendre l'action politique. La grande inconnue reste Rabah Kebir, installé en Allemagne depuis le début des années 1990. Celui-ci s'est, à ce jour, fait plutôt discret. Ali Benhadj, au-delà de son souhait de se voir réhabilité politiquement, compte-t-il arpenter, une nouvelle fois, le chemin qui le mènerait à fonder son parti ? La promesse faite, il y a quelques jours, devant d'autres journalistes algériens travaillant pour des quotidiens étrangers de ne rien céder de ses « droits » et de ses « convictions » plaide pour une réponse affirmative. Et il semble bien, à ce propos, qu'en allant à la rencontre, dimanche dernier, de Abdlehak Layada à la prison de Sarkadji, à Alger, il ait voulu livrer un message : celui d'une personne décidée à (r)endosser le rôle de principal leader politique des vétérans de l'ex-Fis. Des personnes au nom desquelles a déjà commencé à parler, depuis quelques mois, Madani Mezrag, l'ancien chef du bras armé du FIS (AIS), une organisation qui s'est auto-dissoute en janvier 2000. Cette dissolution est intervenue, rappelle-t-on, après une trêve, observée par l'AIS, qui a duré trois années. Les dispositions de la charte paix permettent-elles, maintenant, le déroulement d'un scénario consistant à voir Ali Benhadj ré-occuper la scène politique ? Difficile de répondre à une telle question tant les textes sur lesquels est fondée la réconciliation nationale permettent une multitude de lectures et de possibilités. Et depuis que le président du MSP a fait état, le week-end dernier, lors d'une sortie à Sétif, de la possibilité d'une promulgation d'une sorte de « charte complémentaire », les options sont devenues, encore, infiniment plus nombreuses.