Damas vient d'essuyer un nouveau coup dur. Les pays membres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI,), réunis mardi et mercredi en sommet extraordinaire à La Mecque, ont suspendu jeudi la Syrie de l'organisation. But de la manœuvre téléguidée par Riyad et les autres pétromonarchies du Golfe qui soutiennent financièrement et militairement l'opposition syrienne : isoler davantage le régime de Bachar Al Assad. Les dirigeants du monde musulman sont tombés d'accord, selon le communiqué final du sommet, sur «la nécessité mettre fin immédiatement aux actes de violence en Syrie et de suspendre ce pays de l'OCI». L'organisation ne dit toutefois pas comment elle compte s'y prendre pour régler la crise syrienne. Une crise sur laquelle bute le Conseil de sécurité de l'ONU depuis 17 mois. Fidèle allié du régime de Damas, l'Iran aura finalement été le seul à avoir refusé ouvertement cette suspension parmi les 57 membres de l'OCI représentant un milliard et demi de musulmans à travers le monde. L'Algérie s'est, quant à elle, contentée d'émettre des réserves quant à l'efficacité d'une telle mesure. La Syrie est, rappelle-t-on, suspendue aussi de la Ligue arabe. Cette suspension intervient au lendemain de la publication à Genève d'un nouveau rapport de la Commission d'enquête de l'ONU qui accuse les forces gouvernementales syriennes et les chabbiha (milices pro-régime) de crimes contre l'humanité, dont des meurtres et des tortures, tout en estimant que l'opposition armée était également coupable de crimes de guerre, mais à moindre échelle. De son côté, le Conseil de sécurité de l'ONU a, comme prévu, annoncé aussi, jeudi soir, la fin de la mission de ses observateurs militaires en Syrie. Et pour cause ? L'échec du plan Annan. La mission de supervision des Nations unies en Syrie (Misnus) avait été déployée en avril pour faciliter un cessez-le-feu qui n'a jamais eu lieu. Officiellement, la Misnus se terminera «dimanche à minuit», a déclaré à la presse Edmond Mulet, sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, après une réunion des 15 membres du Conseil. Lakhdar Brahimi Remplace Annan L'ambassadeur de France à l'ONU, Gérard Araud, dont le pays préside le Conseil de sécurité, a cependant indiqué qu'il existait «une volonté consensuelle du Conseil de maintenir une présence des Nations unies à Damas» après la fin de la Misnus, sous forme d'un bureau de liaison. Celui-ci sera, entre autres, chargé de soutenir les efforts de celui qui remplacera Kofi Annan comme médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie. M. Annan doit quitter ses fonctions le 31 août. Après cette décision, l'ambassadeur russe à l'ONU, Vitali Tchourkine, a annoncé qu'une rencontre du groupe d'action international sur la Syrie se tiendrait vendredi (hier, ndlr). Les observateurs pensent toutefois qu'il ne faut rien attendre de cette réunion. De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, est finalement parvenu à convaincre l'ancien chef de la diplomatie algérienne, Lakhdar Brahimi, de succeder à Kofi Annan. M. Brahimi, aujourd'hui âgé de 78 ans, est un habitué des missions de médiation internationales difficiles pour le compte des Nations unies. Il a été le représentant spécial de l'ONU pour l'Afghanistan, avant et après la fin du régime taliban, pour l'Irak après l'intervention des Etats-Unis qui a renversé Saddam Hussein et aussi en Afrique du Sud quand le pays est sorti du régime de l'apartheid. En attendant que Lakhdar Brahimi commence son travail, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, en visite en Turquie, dernière étape d'une tournée l'ayant conduit en Jordanie et au Liban, a haussé le ton en affirmant que le régime syrien devait «être abattu et rapidement». Les Russes veulent, quant à eux, que les grandes puissances lancent avec l'Arabie Saoudite, l'un des principaux soutiens rebelles, et l'Iran, principal allié régional de Damas, un appel aux belligérants pour qu'ils mettent «fin à la violence le plus tôt possible». Deux positions antagoniques qui prouvent qu'un fossé sépare encore Occidentaux et Russes sur la question du départ de Bachar Al Assad.